Adieu, vives clartés...

"J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres le bois retentissant sur le pavé des cours"

Mais pas du tout, je ne suis pas synchro avec Baudelaire sur ce coup là! D'abord, les vives clartés, bah, un peu de fraîcheur ne fait pas de mal. Et puis, le bois qu'on rentre pour l'hiver: ces piles bien rangées qui longent par ici les murs des maisons, ça me fait toujours chaud au coeur. On a dû, encore, couper un arbre. Mort de chez mort, il était. L'écorce finissait de se détacher par plaques, les mini-galeries des insectes, mises à nu, avaient beaucoup d'allure, le pic vert venait régulièrement visiter son garde manger. Mais, à quelques mètres d'un toit tout neuf, c'était pas raisonnable de l'épargner plus longtemps. Alors, voilà, un beau petit tas de bois bien sec à ranger lui aussi contre le mur. Le paysan sollicité pour l'abattage a accueilli d'un sourire narquois notre demande de le couper "en chandelle", c'est à dire en laissant environ deux mètres de tronc comme milieu de vie pour les insectes. Encore une bizarrerie de bobo! mais comme c'était loin de lui compliquer la tâche, au contraire, il n'a émis aucune objection.

La maison vide sent un peu la nostalgie. Le bac à sable résonne encore du rire des deux petites princesses, même le souvenir de leurs hurlements rivaux autour d'un vieux râteau édenté (non! à moi! c'est pas à toi!) est devenu romantique. J'ai laissé exprès devant la maison, je le rangerai plus tard, le vélo de mon petit roitelet, devenu en un été roi de la montagne (il est "monté en Sûre", c'est le baptême local), roi de la petite reine (il a fait en vélo des tours héroïques, en râlant... juste le nécessaire), et roi des grenouilles (il a nagé ses premières brasses dans la mare tout juste remplie avant que l'eau vire au verdâtre). Ah, et il a perdu une dent, la cinquième!

Et tout ça est rentré en classe hier.

Il fait soleil, j'ai une mini rando sur le feu, peut-être je vais m'inscrire à la chorale du village. Ya tout mon jardin à nettoyer après les récoltes de l'été qui s'épuisent, et quelques semis d'automne à faire sans tarder. La mare, finis les gros travaux, demande encore beaucoup de soins pour être telle que je la rêve. Hier je suis passée à la bibliothèque, demain je rends visite à mon libraire ami. J'ai repris, plein pot, mes activités associatives. Quoi encore? Un peu plus de temps pour ne rien faire, c'est encore mon occupation favorite.

Entre "Adieu vives clartés de nos étés trop courts" et "Tout l'hiver va rentrer dans mon être, colère", Baudelaire, nigaud, comment t'as pu oublier l'automne?