Bon, c'est décidé, je commence cette année à "faire mes graines".
Ça m'est venu, dommage, à la fin de l'été. Donc, pour les tomates, c'est râpé, j'ai ramassé l'autre semaine les dernières tomates vertes pour en faire quelques pots de confiture. Les courgettes, pareil: la saison a eu beau se prolonger, j'ai mangé les dernières au début des vacances avec mes deux petites princesses qui ne veulent pas de légumes mais aiment bien les courgettes. Du côté des potirons, je réserve dès à présent les graines de "Butternut", ma préférée. Les deux autres variétés que j'ai semées cette année (Kaboscha et Buttercup) appartenant toutes deux au groupe A se sont probablement un peu mélangées, du coup je peux bien ramasser les graines, mais je sais pas trop ce qu'elles vont donner. Les oignons? ma récolte de cette année a été carrément ridicule, exit les oignons. Les pommes de terre? Toutes mangées. Elles étaient bonnes, merci, mais les Rattes m'ont beaucoup manqué, je ne les oublierai pas l'an prochain, tant pis si elles sont peu productives. C'est troooop bon, cuit vapeur, avec du fromage blanc ou, plus classique, du beurre. Et chacun épluche les siennes, c'est ça qui me fait le plus plaisir.
Bon, alors, vu la saison, il me reste quoi? Essentiellement les bisannuelles: les légumes qu'on mange la première année et qui fleurissent l'année d'après. Justement, il me reste une très belle laitue. Je vais soigneusement la repérer et la laisser fleurir au prochain printemps. C'est une variété dont j'achète les plants au marché, une batavia brune qui ressemble à la Grenobloise, mais beaucoup plus craquante, et qui se comporte mieux chez moi: la Grenobloise a une tendance fâcheuse à noircir en bordure de feuilles, vous imaginez la corvée pour trier ça? Cette laitue rappelle un peu, à la consistance, la "Reine des Glaces" délicieuse mais que j'ai du mal à réussir. Celle-là, j'ignore son nom. D'après les photos de Biau Germe, ce pourrait être la "Goutte de sang". Les maraîchers qui vendent des plants prennent peu à peu, sous la pression des clients, l'habitude de mentionner la variété, mais c'est pas encore descendu jusqu'aux laitues.
Les choux, j'ai déjà l'habitude d'en laisser fleurir un ou deux au printemps: même les choux qui ont fait nos délices pendant l'hiver sont susceptibles, si on ne les arrache pas, de faire des pousses nouvelles et de fleurir, donc de grainer. Faut juste que j'en choisisse un beau. Trois plutôt, puisque j'ai planté ce printemps trois variétés de choux: un lisse, un cloqué, tous deux inconnus (plants du marché) et un rouge semé par mes soins, mais qui, d'habitude splendide, très sain, résistant aux attaques, semble assez piteux cette année. Les poireaux, n'en parlons pas, je renonce définitivement cette fois ci. Fausse joie d'abord, ils semblaient, cette année, intacts. La déroute totale de l'an passé, pas UN rescapé sur une centaine de plants, m'avait dégoûtée, j'avais décidé de ne pas acheter de plants. Mais, quand même, sur le conseil de "janot lapin", j'en avais semé une raie. Bingo! une bonne centaine de plants parfaitement sains et qui semblaient vouloir le rester. Un vol tardif de "mineuse", et vlan, voilà ma récolte sournoisement minée. Si un d'entre eux veut bien aller à graine, pourquoi pas? J'aime bien les fleurs de poireau, ces petites boules laineuses qui se balancent en hauteur, et la manière dont elles contrastent, en fin de saison, avec les graines charbonneuses, d'un noir profond, qui finissent par en sortir. Une culture que j'ai particulièrement bien réussie cette année, ce sont les bettes à carde rouge. Elles sont magnifiques à voir, leur couleur explose dans le jardin, quel dommage de perdre tout cela à la première gelée... mais impossible de tout manger, il y en a trop. Il faudra que je pense à en protéger un pied, ou alors me confier au hasard qui fait que certains survivent à l'hiver alors que d'autres pourrissent. Ma paresse naturelle vote pour le hasard.
Restent les légumes racines. J'ai eu une très belle récolte de carottes, des blanches de Küttingen et des oranges, de Colmar. En fin d'été, j'ai voulu ramasser les dernières pour une soupe. Grosses comme mon petit doigt et pas très enthousiasmantes, mais surtout: une magnifique chenille de Machaon me faisait concurrence. Bon, d'accord, je te la laisse, ta carotte. D'autant que, cet été, je n'ai pas eu le plaisir de voir un seul Machaon sur mes Buddleias, et d'ailleurs, très peu de papillons, va savoir pourquoi? Quand je suis remontée les mains vides, mon homme était perplexe: tu cultives des carottes pour nourrir les chenilles? Aucun sens de la poésie. Donc, pas graines de carottes. Les betteraves rouges que j'avais semées puis éclaircies sont finies, mais j'en avais repiqué quelques unes qui continuent de nous faire plaisir et qui sont énormes. Il me suffira d'en garder une. Ma récolte de panais commence à peine. En soupes, purées, pot au feu, ils sont délicieux, un goût légèrement anisé, une onctuosité parfaite. Là aussi, il me suffira d'en laisser un terminer son cycle.
Je n'ai pas, pour l'instant, l'intention de "faire" toutes mes graines. Juste de tester la faisabilité, d'essuyer les premiers plâtres. Mon manque de rigueur me promet quelques déconvenues, que je ne manquerai pas de vous raconter. Mon fournisseur préféré, Biau Germe, continuera de l'être, bien sûr. Pour moi, produire mes propres graines n'est que symbole et amusement. Pour les paysans, tous les paysans du monde, c'est beaucoup plus important. C'est l'indépendance de la paysannerie dans les pays pauvres qui est en jeu. Chez nous aussi, probablement: très peu de paysans produisent encore leurs propres graines en France, pourtant un mouvement naissant existe, de production et d'échange de semences, tout petit, mais assez grand pour que les gros semenciers se sentent menacés et tentent de le tuer dans l'oeuf. Suite à leur intense lobbying, le Sénat a voté en juillet un texte de loi qui vient à présent devant les députés. Pour taxer les semences auto-produites!!! "Ils" nous feront toujours rire, après l'eau, la terre, les graines, ils finiront par s'approprier l'air qu'on respire. C'est déjà bien avancé, l'air est tellement pollué que nous serons bientôt obligés de l'acheter en bouteilles.