mercredi 14 décembre 2011

Violettes de décembre

Si vous refusez de me croire, je vous en voudrai pas, j'y crois pas moi-même.

Ce matin, sortant de chez moi... un parfum de violettes. Hallucination olfactive? Je décide, quand même, de chercher un peu. À gauche du chemin, des pervenches. Je les avais déjà repérées, ce mois de décembre est fou. Mais les pervenches, ça sent rien ou pas grand chose. Je cherche alors à droite, sous les arbres désormais défeuillés. Et oui. Deux violettes.

Je sais pas ce qui m'étonne le plus: des violettes en décembre, c'est pas courant, il est vrai. Mais les avoir repérées à l'odeur? J'y crois pas moi-même!

mercredi 30 novembre 2011

La carotte indignée

Zavez déjà vu une carotte sauvage? Facile à reconnaître quand c'est en fleur: une ombelle blanche comme il y en a beaucoup, beaucoup qui se ressemblent toutes, attention, la ciguë en fait partie. Mais, avec comme signe distinctif absolu, irréfutable, une petite fleur plus foncée, noire, mauve, violine en plein milieu de l'ombelle. C'est comme ça que mon petit jardinier, à trois ans, s'était taillé un fort beau succès en identifiant une fleur de carotte au bord d'un chemin.

Avec cet été-automne qui fait du rab, vous avez peut-être encore quelques chances d'en trouver. Arrachez la belle, c'est pas une fleur protégée, rassurez-vous. La racine sent, indubitablement, la carotte. Sinon, gare, tout ce qui est naturel n'est pas bon. Si vous êtes bien sûr que c'est un plant de carotte, fleur foncée centrale, odeur caractéristique, vous pouvez grignoter. Ça a le goût de la carotte, aussi. Seulement... c'est blanc (pas grave, ya des carottes blanches) mais surtout c'est plutôt petit, ramifié, et très fibreux. Vous pourriez peut être faire ça en soupe, ou plutôt en bouillon en filtrant bien, et à condition d'en arracher beaucoup.

Ya pourtant des gens, ya trèèèès longtemps, qui ont pensé que cette racine coriace avait de l'avenir. Qui ont patiemment, année après année, sélectionné les meilleurs plants pour en récolter les graines, puis encore et encore, jusqu'à ce que ça atteigne une taille raisonnable, qu'on ait quelque chose à se mettre sous la dent. Et ça continue aujourd'hui, des jardiniers, des grainetiers, cultivent, observent, goûtent, sélectionnent. Je vous parle de la carotte, mais les choux, les laitues, les blés, les riz, c'est tout pareil. Imaginez, en regardant votre racine de carotte, le boulot qu'il a fallu pour en faire la carotte que vous connaissez aujourd'hui. Des paysans, siècle après siècle, ont fait ce travail, patients et obstinés, sans penser que le profit en reviendrait à d'autres.

Car parmi les grainetiers qui ont pris le relais, certains ont imaginé avoir le droit, le droit du plus fort évidemment, de s'approprier tout ça et d'y coller LEUR étiquette, à eux, perso. Collectivistes, quoi, du genre tout ce qui est à toi est à moi. C'était déjà gonflé, non? Pourtant, personne a protesté. Ils offraient, paraît-il, une garantie. De conformité, de régularité, de fertilité, bref tout un cahier des charges dont je ne discute pas, sauf à la marge, l'utilité. Par exemple on aime bien (va savoir pourquoi) que dans un plat, toutes les rondelles de carotte aient la même taille et la même forme, c'est pour ça que les carottes coniques d'autrefois sont devenues cylindriques. Le goût? Secondaire.

Ça aurait pu leur suffire, non, aux semenciers dominants? Bé non, le capitalisme porte en lui le germe mortel du "toujours plus". Ils avaient volé aux paysans leur travail séculaire, mais ils continuaient à le partager avec eux, car le savoir a ceci de magique qu'on peut le partager sans en perdre une miette, et même en l'enrichissant. Un autre germe mortel du capitalisme, c'est celui de l'exclusivité, de la non concurrence. C'est un pur mensonge, quand ils nous bassinent avec la "concurrence libre et non faussée", qu'on ferait mieux d'appeler la concurrence librement faussée.

Voilà donc qu'ils ont trouvé insupportable que des paysans, pas nombreux chez nous, mais ça revient, un peu plus dans les pays pauvres où c'est vital, continuent à fabriquer eux-même leurs graines, comme ils le faisaient depuis plusieurs milliers d'années, sans se soucier du fait qu'on les trouvait aussi en sachets avec de grosses étiquettes copyright.

Eh ben non, c'est fini, le hold-up est complet. Et ils ont même trouvé des législateurs, défenseurs théoriques du bien public, pour en faire une loi.

J'ai vu récemment le film "Tous au Larzac". Ce film drôle, sympa, instructif, émouvant met en évidence, entre autres, la différence entre légal et légitime. Et la supériorité, forte et indiscutable, du légitime sur le légal. Le légitime doit devenir, redevenir, légal.

Et en attendant, on fait quoi?

vendredi 4 novembre 2011

Graines d'utopie

Bon, c'est décidé, je commence cette année à "faire mes graines".

Ça m'est venu, dommage, à la fin de l'été. Donc, pour les tomates, c'est râpé, j'ai ramassé l'autre semaine les dernières tomates vertes pour en faire quelques pots de confiture. Les courgettes, pareil: la saison a eu beau se prolonger, j'ai mangé les dernières au début des vacances avec mes deux petites princesses qui ne veulent pas de légumes mais aiment bien les courgettes. Du côté des potirons, je réserve dès à présent les graines de "Butternut", ma préférée. Les deux autres variétés que j'ai semées cette année (Kaboscha et Buttercup) appartenant toutes deux au groupe A se sont probablement un peu mélangées, du coup je peux bien ramasser les graines, mais je sais pas trop ce qu'elles vont donner. Les oignons? ma récolte de cette année a été carrément ridicule, exit les oignons. Les pommes de terre? Toutes mangées. Elles étaient bonnes, merci, mais les Rattes m'ont beaucoup manqué, je ne les oublierai pas l'an prochain, tant pis si elles sont peu productives. C'est troooop bon, cuit vapeur, avec du fromage blanc ou, plus classique, du beurre. Et chacun épluche les siennes, c'est ça qui me fait le plus plaisir.

Bon, alors, vu la saison, il me reste quoi? Essentiellement les bisannuelles: les légumes qu'on mange la première année et qui fleurissent l'année d'après. Justement, il me reste une très belle laitue. Je vais soigneusement la repérer et la laisser fleurir au prochain printemps. C'est une variété dont j'achète les plants au marché, une batavia brune qui ressemble à la Grenobloise, mais beaucoup plus craquante, et qui se comporte mieux chez moi: la Grenobloise a une tendance fâcheuse à noircir en bordure de feuilles, vous imaginez la corvée pour trier ça? Cette laitue rappelle un peu, à la consistance, la "Reine des Glaces" délicieuse mais que j'ai du mal à réussir. Celle-là, j'ignore son nom. D'après les photos de Biau Germe, ce pourrait être la "Goutte de sang". Les maraîchers qui vendent des plants prennent peu à peu, sous la pression des clients, l'habitude de mentionner la variété, mais c'est pas encore descendu jusqu'aux laitues.

Les choux, j'ai déjà l'habitude d'en laisser fleurir un ou deux au printemps: même les choux qui ont fait nos délices pendant l'hiver sont susceptibles, si on ne les arrache pas, de faire des pousses nouvelles et de fleurir, donc de grainer. Faut juste que j'en choisisse un beau. Trois plutôt, puisque j'ai planté ce printemps trois variétés de choux: un lisse, un cloqué, tous deux inconnus (plants du marché) et un rouge semé par mes soins, mais qui, d'habitude splendide, très sain, résistant aux attaques, semble assez piteux cette année. Les poireaux, n'en parlons pas, je renonce définitivement cette fois ci. Fausse joie d'abord, ils semblaient, cette année, intacts. La déroute totale de l'an passé, pas UN rescapé sur une centaine de plants, m'avait dégoûtée, j'avais décidé de ne pas acheter de plants. Mais, quand même, sur le conseil de "janot lapin", j'en avais semé une raie. Bingo! une bonne centaine de plants parfaitement sains et qui semblaient vouloir le rester. Un vol tardif de "mineuse", et vlan, voilà ma récolte sournoisement minée. Si un d'entre eux veut bien aller à graine, pourquoi pas? J'aime bien les fleurs de poireau, ces petites boules laineuses qui se balancent en hauteur, et la manière dont elles contrastent, en fin de saison, avec les graines charbonneuses, d'un noir profond, qui finissent par en sortir. Une culture que j'ai particulièrement bien réussie cette année, ce sont les bettes à carde rouge. Elles sont magnifiques à voir, leur couleur explose dans le jardin, quel dommage de perdre tout cela à la première gelée... mais impossible de tout manger, il y en a trop. Il faudra que je pense à en protéger un pied, ou alors me confier au hasard qui fait que certains survivent à l'hiver alors que d'autres pourrissent. Ma paresse naturelle vote pour le hasard.

Restent les légumes racines. J'ai eu une très belle récolte de carottes, des blanches de Küttingen et des oranges, de Colmar. En fin d'été, j'ai voulu ramasser les dernières pour une soupe. Grosses comme mon petit doigt et pas très enthousiasmantes, mais surtout: une magnifique chenille de Machaon me faisait concurrence. Bon, d'accord, je te la laisse, ta carotte. D'autant que, cet été, je n'ai pas eu le plaisir de voir un seul Machaon sur mes Buddleias, et d'ailleurs, très peu de papillons, va savoir pourquoi? Quand je suis remontée les mains vides, mon homme était perplexe: tu cultives des carottes pour nourrir les chenilles? Aucun sens de la poésie. Donc, pas graines de carottes. Les betteraves rouges que j'avais semées puis éclaircies sont finies, mais j'en avais repiqué quelques unes qui continuent de nous faire plaisir et qui sont énormes. Il me suffira d'en garder une. Ma récolte de panais commence à peine. En soupes, purées, pot au feu, ils sont délicieux, un goût légèrement anisé, une onctuosité parfaite. Là aussi, il me suffira d'en laisser un terminer son cycle.

Je n'ai pas, pour l'instant, l'intention de "faire" toutes mes graines. Juste de tester la faisabilité, d'essuyer les premiers plâtres. Mon manque de rigueur me promet quelques déconvenues, que je ne manquerai pas de vous raconter. Mon fournisseur préféré, Biau Germe, continuera de l'être, bien sûr. Pour moi, produire mes propres graines n'est que symbole et amusement. Pour les paysans, tous les paysans du monde, c'est beaucoup plus important. C'est l'indépendance de la paysannerie dans les pays pauvres qui est en jeu. Chez nous aussi, probablement: très peu de paysans produisent encore leurs propres graines en France, pourtant un mouvement naissant existe, de production et d'échange de semences, tout petit, mais assez grand pour que les gros semenciers se sentent menacés et tentent de le tuer dans l'oeuf. Suite à leur intense lobbying, le Sénat a voté en juillet un texte de loi qui vient à présent devant les députés. Pour taxer les semences auto-produites!!! "Ils" nous feront toujours rire, après l'eau, la terre, les graines, ils finiront par s'approprier l'air qu'on respire. C'est déjà bien avancé, l'air est tellement pollué que nous serons bientôt obligés de l'acheter en bouteilles.

vendredi 9 septembre 2011

Tordre puis arracher

"Tordre et arracher, pas couper surtout. Tordre, puis arracher."

J'ai trois grosses touffes de rhubarbe dans mon jardin. Elles disparaissent en hiver, comme de nombreuses vivaces, et reviennent fidèlement au printemps. De bizarres oeufs rougeâtres d'abord, assez surprenants quand on ne connaît pas: quel oiseau étrange aurait pondu là... à moins que ce ne soient les cloches, mais Pâques est encore loin. Puis, très vite, ça se déplie, la tige, épaisse, s'allonge, la feuille, énorme, prend ses aises. Bientôt, la première récolte. Presque la seule, jusqu'à cette année. De la touffe déplumée ne sortaient plus guère ensuite que des tiges grèles, sèches, pas toujours mais souvent filandreuses. A vous dégoûter de la cueillette, parce qu'une seul tige filandreuse, comme un haricot qui a pris le fil, une amande amère ou une noix rance, vous gâche tout le reste.

Je pensais que c'était la faute de ma terre, pas assez profonde, la rhubarbe a une énorme racine qui doit pouvoir s'enfoncer dans le sol sans rencontrer le tapis de cailloux de moraine qui affleure facilement par ici. Ou alors, la faute à la sécheresse, la rhubarbe aime les terrains frais et je n'avais pas toujours le courage de charrier les deux ou trois arrosoirs qu'il faut à une grosse touffe. Ou peut être qu'elles étaient trop vieilles, mes touffes, qu'il aurait fallu les dédoubler, les déplacer, les renouveler?

Jusqu'à cet avertissement bizarre, donné par un compagnon de mes petites randonnées du mardi: tordre, puis arracher. Les jardiniers ont plein de ces petits rituels indispensables auxquels ils croient ou pas mais qu'ils respectent scrupuleusement, si ça fait pas de bien, hé, ça peut pas faire de mal. Au début, moi aussi, je faisais comme ça, tordre puis arracher, pour avoir toujours vu ma grand mère le faire. Mon grand père, lui, avait son "Opinel" dans la poche, mais les chromosomes (ou les hormones?) féminin(e)s interdisaient le port de l'Opinel. Donc, pensais-je, si mémé ne coupait pas les tiges de la rhubarbe, c'est faute de couteau. Mais moi qui suis une femme libérée, j'ai droit au couteau, que je plante d'ailleurs souvent n'importe où (faute de poches), que je perds, bien sûr, que je retrouve sans manche et avec une lame qui fait pitié deux ou trois saisons plus tard ou alors dans le compost.

Comme quoi les anciens avaient peut-être raison de refuser aux femmes le droit à l'Opinel. C'est toute une culture, ça s'improvise pas. Celui de mon grand père était soigneusement entretenu, lame aiguisée régulièrement, nettoyée dans la terre et bien essuyée ensuite, je revois le geste par lequel il le repliait avant de le glisser dans sa poche. Et bien sûr il ne l'aurait jamais prêté à personne, et surtout pas à un malandrin anonyme qui aurait utilisé la lame en guise de tournevis et l'aurait irrémédiablement ébréchée, comme ça m'est arrivé récemment. C'est pas moi, c'est pas moi, c'est pas moi, diraient tous les malandrins de mon entourage si je faisais l'erreur de les questionner. Ce dont je m'abstiens, bien sûr, sagement, depuis que je suis vieille. Avant j'aurais appelé la Sainte Inquisition.

Je vous parlais de rhubarbe, non? Donc, depuis ce printemps, je suis revenue à mes pratiques primitives, je ne coupe plus les tiges de rhubarbe. Je prends la tige le plus près possible du sol, à pleine main, je la vrille fortement tout en tirant vers moi. Elle s'arrache ne laissant une blessure, il arrive que s'arrache avec elle un bourgeon naissant, tant pis.

Et vous savez quoi? J'ai eu de belles tiges de rhubarbe tendres et charnues, tout l'été et encore maintenant. Une ou deux fois par semaine, j'en arrache une dizaine, que j'épluche soigneusement avant de les couper en tronçons, deux ou trois centimètres. Je prépare un mélange type clafoutis: six oeufs, un verre de farine, deux verres de sucre (l'acidité de la rhubarbe est redoutable sinon), plus une dose (20 ou 25 centilitres) d'une de ces crèmes végétales bio, amande, épeautre, riz, avoine que j'utilise en remplacement de la crème-crème. Trente minutes au four, hop là, dessert nourrissant et sympa. Bon, il arrive que de petites mains de princesse ou de roitelet écartent soigneusement les tronçons de rhubarbe sur le bord de l'assiette, tant pis. Les enfants, savent pas ce qui est bon!

mercredi 7 septembre 2011

Personne a touché à ma terre?

Je donne une leçon de grelinette à ma petite princesse de septembre. L'expérience avec son frère m'a montré que même un enfant de trois ans peut en comprendre le maniement. Et, de nouveau, ça marche. Très motivée, la gamine. On plante l'engin, phase délicate, j'en profite pour montrer le danger d'épingler les petits pieds, ouh la la ça ferait très mal, attention, c'est moi qui! Une fois les cinq dents bien positionnées, on enfonce la grelinette. Bon, quand on pèse 14 kilos, même en montant sur la barre transversale, même en sautant dessus (c'est rigolo!), on enfonce pas beaucoup. Je viens à la rescousse, je balance l'engin, un coup à droite, un coup à gauche, c'est encore plus rigolo que de sauter, balan, balan, balançoire... La jardinière en herbe est pressée: non, pas encore, il faut que la barre touche la terre, comme ça. C'est le moment d'incliner l'outil vers soi pour soulever et émietter la terre, puis, prestement, de changer la position des mains pour avoir plus de force, façon madame la taupe (celle qui voulait savoir QUI lui avait fait sur la tête... ou une autre). Les deux manches doivent être presque à l'horizontale. On balance de nouveau, en soulevant cette fois, le manche de droite, celui de gauche. Terminé.

Séquence numéro deux: attention, on ne soulève pas la grelinette, rapport aux petits pieds et aux forces minuscules de leur propriétaire. On la fait glisser vers soi, une dizaine de centimètres, et on recommence. Planter, appuyer, balancer, faire levier, changer la position des mains, appuyer encore, balancer. On ne s'en lasserait pas. La princesse jardinière, observatrice, s'interroge sur la différence de couleur entre la terre d'origine et la terre remuée, qui est "toute noire". Finie la rangée, elle trouve une autre occupation: briser les grosses mottes avec les doigts. Encore une, encore une. Je suis un peu jalouse, moi aussi j'aime bien ça, sentir la terre, ni trop mouillée ni trop sèche, s'effriter doucement entre les doigts. C'est d'ailleurs ce qui m'attriste plus dans la sécheresse prolongée, la perte de cette agréable sensation.

Elle a dû le sentir, ma princesse, car s'étant éloignée quelques minutes elle revient vers moi et me toise d'en bas (mais si, c'est possible!) d'un regard à la fois méfiant et sévère:

"Personne a touché à ma terre?"

dimanche 6 mars 2011

Trois, deux, un, partez!

Paraît que le beau temps va durer. Tant mieux, parce que ça y est, le coup d'envoi de la saison est donné. Ça fait beau temps que les perce-neige ont fleuri, on en est aux primevères et aux jonquilles. Depuis plusieurs semaines, à chaque période ensoleillée qui me fait rêver au printemps, je descends dans mon jardin. Pas pour y cueillir du romarin, gentil coquelicot, il est encore trop tôt. mais pour voir à quoi ça ressemble, comment ça se présente. Pour graboter ici ou là, pour greliner un peu si la terre est d'accord.

Qu'est ce qui reste à récolter? Deux ou trois panais à mettre dans le pot au feu, quelques choux, des verts et des rouges, des poireaux, ravagés par la fameuse "mineuse" mais bien bons quand même. Simplement, il en faut quatre pour en faire un, tout petits qu'ils sont et ça s'arrange pas après l'épluchage. Saloperie de mineuse, vivement que ses prédateurs naturels s'installent! Ah, j'allais oublier: quelques mâches, des pissenlits bien sûr, et aussi les petites rosettes pourpres d'une chicorée "Rouge de Vérone" semée en fin d'été, disparue sous terre quelques mois après avoir été tondue par le chevreuil et qui a décidé de me faire la surprise de son retour.

Qu'est ce qui sort, tout doucettement, sans se faire trop remarquer? J'ai trois carrés de menthe, de trois espèces différentes. Une dont je me sers quasi quotidiennement en saison: j'en mets partout, dans les sauces au yaourt agrémentées de verdure parfumée, dans les courgettes avec lesquelles elle s'accorde merveilleusement, dans la purée de pommes de terre, eh oui, pourquoi pas, tentez le coup vous me direz. Ce carré là a déjà bonne allure. Pourtant, les herbes indésirables, boutons d'or en particulier, ont pris de l'avance. Mauvais signe, la terre fatigue et la menthe aussi. Car elle pousse dru normalement, et aucune vivace ne parvient à s'y infiltrer, ne parlons pas des annuelles. Il est peut être temps de la changer de place, ma belle épuisante. Pour l'instant, je me contente de désherber très soigneusement et de rajouter une bonne petite couche de compost. Je verrai plus tard, quand la saison sera plus avancée, à lui trouver un autre pré carré. Pas de souci, il suffira de prélever quelques touffes bien racinées, et vogue la menthe.

L'autre menthe (mais est-ce une menthe?) est très brune, avec une odeur tout à fait particulière. Elle vient d'un jardin du Forez et m'a été donnée, sous le nom de "Chartreuse", avec une recette de liqueur: un litre d'alcool, dix à vingt tiges bien feuillues, vingt sucres, quarante jours d'attente avant de filtrer... et de boire en digestif.

La troisième, je l'ai volée dans le Queyras, à la porte d'un gite rural. Mais elle ne prospère guère, sans doute n'ai-je pas trouvé le sol qui lui convient. Ou alors elle regrette sa montagne? En tous cas, elle va bien en tisane.

L'oseille aussi est en train de pointer ses petites oreilles. Encore trop minuscules et collées au sol pour que ça vaille la peine, mais ça vient. Une bonne soupe aux pois cassés et à l'oseille, qu'en diriez-vous? La recette, vous la trouverez dans "Par ici la bonne soupe", éditions Terre Vivante, bien sûr. La douceur du pois cassé tempère merveilleusement l'acidité de l'oseille, qui réveille opportunément la relative fadeur du pois cassé. Prévoyez un temps de cuisson... large, très large, hein? A part la lentille, vite cuite, les légumineuses ont tendance à se faire désirer longtemps. Mais ça vaut la peine, croyez moi.

Mon figuier, dont c'est le second hiver, ne semble pas avoir souffert. L'an dernier, malgré une couverture de feuilles mortes, ses courtes branches avaient encore été raccourcies par le gel. Rien de tel cette année: il a doublé de hauteur, j'ai négligé, un peu volontairement, de le protéger, mais je n'étais pas vraiment inquiète pour lui. Il faut bien qu'il s'endurcisse, non?

Avant hier, j'ai fait mon premier semis: des fèves, c'est une tradition. Aujourd'hui, j'ai semé aussi, mais dedans: tomates, mes quatre préférées, Andines, Auriga, Berao, Crimée. D'habitude, j'achète au marché les plants de choux. Mais je maîtrise mal les variétés, impossible de savoir s'ils seront gros ou petits, tardifs ou précoces, et souvent ils sont en assez mauvais état. C'est résistant, les plants de chou, mais faut pas abuser non plus. Ma récolte de l'an dernier est assez décevante. Alors, j'ai décidé de semer, cette fois. Premier semis en barquette, je repiquerai une première fois en godet avant de mettre en place, on verra bien si je suis meilleure que les maraîchers.

Installation de mes cinq barquettes en pleine lumière, bien au chaud.

J'allais oublier de vous parler pommes de terre. J'ai acheté, à la coop bio, un sac de trois kilos d'amandines. J'en ai mis une partie dans une petite cagette, bien rangées verticalement comme des ptis soldats, une cinquantaine, que j'ai installé dans une annexe de la maison. A la lumière, mais à une température inférieure à 10 degrés. Hors gel, pourtant. Je mettrai le reste à germer un peu plus tard, pour échelonner le travail, c'est pas rien de planter des patates. Et puis je pense que je vais acheter encore, pré-germées, mes deux fétiches: les Rattes et les Belles de Fontenay.

Et puis, en croisant les doigts pour que le beau temps s'installe vraiment, je vais passer la quinzaine qui vient à greliner. La terre est encore un tout petit peu trop humide de la dernière neige (le 27 février, hé? "Neige en février vaut du fumier"). Je l'ai déjà dit? ah bon? Pas sûr!

mardi 7 septembre 2010

Entre les deux vierges

Mais non, je vais pas vous parler de virginité (obligatoire) avant le mariage, ni de reconstruction chirurgicale de l'hymen pour faire croire que le paquet cadeau n'a pas été ouvert. Ne fantasmez pas, googliens intégristes de notre sainte laïcité. Petits pervers amateurs de chair fraîche, passez également votre chemin.

Il s'agit d'une vieille expression pour mémoriser la période où la chasse aux herbes vivaces envahissantes doit être la plus intense, étant aussi la plus fructueuse. Entre les deux vierges, c'est entre l'assomption et la nativité de la vierge. C'est purement mnémotechnique, hein, elle s'occupe pas de ça, Sainte Marie Mère de Dieu. Cela commence au 15 août. C'est à cette date que la sainte vierge est montée au ciel. Je vous sens sceptiques, mais je vous assure que je l'ai vue sur son petit nuage, pieds nus écrasant le serpent démoniaque, bras croisés sur la poitrine, regard levé vers le ciel un peu en biais. Elle est montée au ciel, point barre, je veux plus entendre murmurer au fond de la classe, l'infaillibilité pontificale est en jeu, ainsi que l'identité chrétienne de l'Europe. Donc, ça commence au 15 août, et ça se termine le 8 septembre. Demain, quoi. Le 8 septembre, c'est la fête de la nativité de cette même sainte vierge. Les mystères du calendrier liturgique la font naître trois semaines après être montée au ciel. Comme dans les premières salles de "cinéma permanent", quand on pouvait entrer n'importe quand et qu'on était pas obligé de sortir à la fin (ça n'a pas duré, cte blague!), où on pouvait voir Jeanne d'Arc flamber sur le bûcher avant de devenir bergère.

Effectivement, chaque année, vers la mi-août, des indices parfois minuscules, parfois massifs, petit vent coulis entre deux journées de canicule ou vrai temps de cochon qu'on se croirait en novembre, nous font souvenir que l'été n'est pas éternel. Au jardin, pourtant, la fin de quelque chose est toujours le début d'autre chose. Bizarrement, ça me fait le même effet qu'au printemps les premières fleurs: je me mets à préparer l'avenir, je commence à nettoyer le jardin en vue du printemps.

J'ai beau avoir tenté de bannir de mon vocabulaire l'expression "mauvaises" herbes, je dois reconnaître que certaines me donnent du fil à retordre. Commençons par les liserons. J'en ai deux sortes: les "à petites fleurs", qui rampent en étoile autour de leur point de sortie. Ceux-là sont presque sympathiques. ils jouent les couvre-sol, et vous savez qu'un sol ne doit jamais rester nu sous peine de voir sa vie microbienne et sa vie tout court s'appauvrir jusqu'à disparaître. Si j'ai négligé de semer des soucis entre deux rangées de choux, si j'ai oublié de pailler mes tomates, si la distance nécessaire entre deux plants de potirons menace tout un espace de désertification, le liseron à petites fleurs occupe le terrain et empêche par la même occasion des herbes plus tenaces de s'implanter. Ce liseron-là ne nécessite qu'une surveillance distraite, un arrachage à l'occasion sans acharnement particulier.

L'autre liseron, celui à grandes fleurs, est moins raisonnable. Présent partout dans mon jardin dès le printemps, il se déchaîne, va savoir pourquoi, après le 15 août. Il sent venir l'hiver et cherche dès lors à faire le maximum de réserves racinaires. Connaissez-vous la racine du liseron? Jamais vous ne la verrez en entier. Elle monte des profondeurs de la terre, elle est blanche et charnue, et particulièrement cassante. Si vous vous contentez de tirer dessus, vous n'en aurez que quelques centimètres. Il faut y aller à la triandine, fourche-bêche à quatre dents comme son nom ne l'indique pas. La grelinette ne va pas assez profond. Il faut ensuite tirer avec délicatesse pour gagner encore quelques centimètres, sachant que de toutes façons ça repoussera. Moins vite, c'est toujours ça de gagné. Le malheur, c'est que le liseron va souvent, petit malin, se nicher entre les racines d'un cassis, d'un groseillier, et qu'il est particulièrement heureux parmi les framboisiers. Rien d'autre à faire alors que de limiter ses ébats. Je me console en pensant à la magnifique chenille du "sphinx du liseron" que Jardinet et moi avons eu le plaisir d'élever l'an dernier.

Ya pas que les liserons, ya aussi les ronces. Non seulement elles se déchaînent, elles aussi, fin août, mais elles vont à dame. C'est à dire qu'après avoir poussé des tiges démesurées, plusieurs mètres quelquefois, elles cherchent du bout du nez (à l'odeur?) un endroit particulièrement propice à l'enracinement. Et hop, ça repart aussi sec, comme de géants stolons de fraisiers. Heureusement pour moi, elles choisissent des endroits particulièrement meubles d'où il sera facile de les déloger. A condition de faire vite, sinon, en quelques sauts, elles vous colonisent la moitié du jardin. Il m'est déjà arrivé plusieurs fois de perdre en peu de temps l'espace durement gagné l'année précédente. Donc couper, couper, couper, arracher si l'on peut encore, lutter pied à pied, ne jamais gagner mais ne pas perdre non plus.

Dernière coriace, (pour aujourd'hui, y en a d'autres, des envahisseuses coriaces) le chiendent. Bien nommée celle là, un vrai chiendent. Chienlit, comme disait le général à propos des gauchistes de 1968. Le chiendent est bien plus discret. Un simple brin d'herbe au milieu d'un carré fraîchement désherbé. Tiens, d'où sort-il celui là? Quand vous tentez de l'arracher, soit il vous reste entre les doigts, laissant intacte la racine pour d'autres aventures, soit, si vous avez un peu de chance (ou d'expérience), vous l'attrapez, cette maudite racine. Et là, surprise, elle n'est pas verticale, comme la plupart des racines qui se respectent, mais horizontale. Et fameusement solide, on en faisait des brosses à récurer les planchers ou à laver le gros linge. On appelle ça une racine traçante. Et effectivement, vous pouvez la suivre à la trace, jusqu'en bordure de l'allée où se trouve la plante mère. En bordure de l'allée, c'est parce que, jardinière paresseuse, j'ai laissé mes allées principales se faire envahir par l'herbe. Chiendent, pissenlits, trèfle, plantain. Ça n'a pas que des inconvénients, ça évite la bouillasse par temps de pluie, ça limite le ruissellement toujours problématique dans les jardins en pente, c'est plus sympa à regarder. Mais ça nécessite une certaine vigilance, et en particulier de refaire une ou deux fois par an les bordures au pic de terrassier.

Je vous en parle dans un prochain billet.

samedi 8 mai 2010

Courgettes et potirons

Comme je vous l'ai expliqué hier, je m'absente 15 jours juste au moment où je devrais jardiner intensément... jardinière et voyageuse, je vous l'ai déjà racontée, celle là...

Donc, je ne voulais pas partir, d'ailleurs je suis plutôt casanière de naturel. Et voilà que notre amie Vân, dont je vous ai déjà parlé souvent, par exemple ici ou , se marie. Elle se marie avec un français, du coup vous vous doutez bien qu'ils sont dans le collimateur de notre sinistre de l'identité chauvine et de la désintégration. Leurs plans ont failli capoter, car les démarches étaient plus longues que prévu, les papiers jamais suffisants, les soupçons de mariage blanc lourdingues. Nous sommes nombreux à connaître, désormais, chez nos amis, nos proches, nos enfants, ces difficultés croissantes, ce durcissement des procédures. Finalement, ils se marient en mai, comme prévu, mais ce sera un mariage traditionnel vietnamien, la suite pour plus tard quand le gardien de la pureté de la race aura bien voulu donner son accord.

Être absente pour le mariage de Vân, impossible.

Donc, me voilà à confier les indispensables travaux de jardinage à mon fils. Qui est plein d'ardeur et de savoir faire, mais qui travaille la journée, et affronte en plus les incontournables embouteillages matin et soir. Longues journées...

J'avais prévu de bien lui préparer le terrain. Or, depuis huit jours, il pleut chaque jour, avec une petite éclaircie hier et aujourd'hui, avec quelques rayons de soleil bien timides, très insuffisants pour ressuyer la terre. Pas facile de jardiner sur la pointe des pieds. J'ai cependant préparé les trous des courgettes. Vingt centimètres de profondeur, à moitié remplis de mon compost maison, c'est gourmand les courgettes. Planté un bâton sur chaque trou pour indiquer l'emplacement à mon fils, mais surtout pour arroser au bon endroit, au plein de l'été, quand le plant aura acquis un développement tel qu'on ne saura plus très bien où placer l'arrosoir. J'ai prévu deux plants de "Ronde de Nice", savoureuse mais peu productive, et deux d'une variété plus traditionnelle pour la quantité. J'aime bien ces avalanches de courgettes dont on ne peut même plus se débarrasser chez les voisins, qui en ont tout autant ou qui ont un papa, un tonton, un grand père pour les fournir abondamment.

Les tomates, c'est mon gros souci. J'en ai semé quatre variétés, elles seront à point dans une semaine, mais je respecte pour les planter une procédure pointilleuse, et mon fils a horreur que je lui dise ce qu'il doit faire. Je creuse d'abord un sillon que je remplis à moitié de compost en mélangeant un peu avec la terre du jardin. Je place les piquets au creux du sillon, des fers à béton inusables et discrets. Je couche chaque plant en terre en ne laissant dépasser que cinq ou six feuilles: la tomate est une rampante qui est capable de faire des racines tout le long de sa tige, et cela améliore ses capacités de nutrition. Il faut que tout soit bien aligné pour me permettre de sarcler ensuite sans blesser les racines, assez superficielles. L'arrosage aussi en sera facilité, il doit être abondant et régulier. J'inaugure cette année une nouvelle variété. Vexée, l'an dernier, d'avoir eu une abondance de tomates andines APRÈS le départ de ma petite famille, j'ai cherché une variété TRÈS précoce, Auriga, trouvée chez Biau Germe. Pour le reste, je suis restée fidèle: Andines, Bérao, Noire de Crimée. Quatre variétés, six plants par variété, va pas chômer le fiston!

Je vais profiter du temps relativement clément pour préparer aussi la plantation de concombres. Moins espacés que les courgettes, j'en mettrai six sur une ligne de trois mètres. Pour les potirons, je creuse des trous plus profonds (très éloignés, ça court, le potiron!) que je remplis au tiers de crottin de cheval, puis de compost mélangé à la terre d'origine. Le crottin de cheval chauffe en profondeur et assure un meilleur démarrage. Justement, les chevaux se sont installés en avril dans le pré, la matière première est toute fraîche. Mais voilà, ça aussi, il faut que je laisse mon fils s'en occuper. Je sème les potirons directement en place, ça ne fait pas une grande différence de préparer les plants à l'avance. Je sème toujours les mêmes vedettes, Potimarron, une célébrité maintenant, Butternut et Buttercup. J'apprécie surtout chez la Buttercup cette habitude qu'elle a de ne rien produire pendant tout l'été, puis de se dépêcher quand la saison s'avance de former des tas de fruits qui virent du vert clair lumineux à un très beau vert sombre. Tout ce petit monde grossit rapidement, alors qu'on aurait pu croire que la plante s'était laissée prendre de vitesse par la saison.

Elle me ressemble un peu, celle là!

vendredi 7 mai 2010

Saints de glace, le retour

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec les saints de glace? Un quart des mots clés qui amènent des promeneurs sur mon blog s'y réfère. Et je dois avouer que moi aussi, ces derniers jours, ces fameux (fumeux?) saints de glace me turlupinent. Saint Servais, saint Mamert (mais non, pas seins mammaires, ni Noël Mamère) et saint Pancrace semblent plus que jamais à l'ordre du jour. Jusqu'à vendredi, on était en été, nous revoilà en hiver. Températures glaciales, pluies incessantes, un vrai temps de printemps.

La pluie, je suis plutôt pour. Avec le beau temps, une quasi sécheresse s'installait, ma terre était redevenue béton, et la source ranimée par les dernières chutes de neige s'enfonçait dans le sol désolé au lieu de reconstituer le ruisseau. Mais pour la jardinière, le problème est toujours le même, le temps qu'il fait et le temps qui passe la prennent en tenaille. Surtout si la jardinière n'est pas que jardinière. Et c'est mon cas.

Pendant la seconde moitié d'avril, j'étais plus grand mère que jardinière. Mon calendrier à pris du retard, mais pas de souci, en une semaine de travail intensif, la première de mai, j'allais retourner la tendance. Début mai, c'est une excellente période. Certes, les horribles saints de glace sont encore à venir, mais de nombreuses plantes ne s'en soucient pas du tout ou à peine. Les fèves semées en février, les pois mis en terre fin mars commençaient à avoir belle allure. Les carottes, panais, betteraves rouges semées début avril pointaient leurs petits museaux coquins, et le désherbage minutieux, qui doit être le plus précoce possible avait bien commencé. Ces trois plantes ont l'avantage d'être très reconnaissables dès leur sortie de terre. Les betteraves, à cause de leur belle couleur violine, les carottes à cause de leur feuilles très découpées, si caractéristiques. Et les panais... ben les panais, paske JE les connais, tout simplement.

Pour les pommes de terre, j'avais vu grand. Trop. Une mini cagette de Rattes prégermées, une cagette de Belles de Fontenay, plus un sac de 3 kg d'Amandines. Quand j'ai eu terminé les Rattes et les Belles de Fontenay, presque 200 plants, j'ai réalisé que je n'aurai ni le courage, ni le temps, ni la place de doubler la mise avec les Amandines. Retour à la Coop, qui a bien voulu me les reprendre. Tiens, elles viennent de sortir de terre mes patates, j'aime bien ce moment où on les découvre, les unes après les autres, pointer leurs feuilles bien serrées encore. En deux jours, le fond du sillon commence à avoir de l'allure.

Les oignons, j'ai failli oublier les oignons! ils devraient être en terre depuis avril, ils sont toujours benoîtement dans le placard, et la terre est détrempée. Alors, quoi je fais, moi? Ce qu'il ne faut jamais faire, travailler une terre mouillée. Je me fais aussi légère que possible, je désherbe à minima, je gratouille de la pointe fourchue de ma serfouette sur la ligne. Juste assez ameublir la terre pour, le bulbe coincé entre pouce, index et majeur, l'enfoncer de deux centimètres. Un très léger coup de râteau, tasser en douceur, et voilà: une soixantaine d'oignons blancs et presque 80 jaunes de Mulhouse sont en place, ouf.

Quelque bricoles encore. J'avais repiqué une dizaine de choux achetés au marché. Cette année, vu la danse ravageuse des piérides que j'ai subie l'an dernier, j'avais prévu de les entourer de fleurs, pour tromper l'ennemi et favoriser ses prédateurs. Un sachet de "Cosmos Sulphureus" (offert par le Biau Germe avec ma commande) et un demi sachet d'eschscholtzia, si c'est pas efficace ce sera au moins joli, et les eschscholtzias se ressèment, j'aime bien ça, jardinière du moindre effort. Pour compléter le dispositif "trompe-piéride", je sème, en bordure tout près des choux une rangée de haricots. Là, c'est l'hérésie complète, il est trop tôt, bien trop tôt pour les haricots.

C'est là que se rejoignent "saints de glace", "lune rousse" et dictons locaux style "tant kia de la neige sur (au choix) La Sûre, Le Moucherotte, Chamrousse, le Granier ou tout autre sommet dans les 2000 mètres, ON NE SÈME PAS LES HARICOTS. C'est un DOGME. Mon problème, c'est que je vais être absente quinze jours. Aujourd'hui il est trop tôt, dans 15 jours il sera pas trop tard, mais... je VEUX des haricots en juillet, na! ceux que je sèmerai en rentrant ne seront pas récoltés avant Août. Un coup de chance est possible. La lune rousse, celle qui suit Pâques et qui donc est mobile, se termine le 14. Les trois saints, qui sont fixes, ont lieu les 11, 12 et 13 mai. Tant que ces deux dates ne sont pas passées, et tant qu'il reste de la neige sur la montagne d'en face, il reste un risque de gelée. Et les haricots, frrrrrt, grillés. Pareil pour les tomates, potirons, courgettes, concombres.

Début mai, c'est trop tôt, fin mai, ce sera un peu tard... je vous raconte la suite demain.

lundi 29 mars 2010

Mes poireaux font la gueule

Chaque année, je plante entre 150 et 200 poireaux. J'achète les plants en juin, plants bio de préférence. Ils sont vendus sur le marché par paquets de 25 ou de 50. J'achète des poireaux d'hiver, ils deviennent moins gros mais tiennent bien le coup face au froid et à l'humidité. Les fournisseurs ne précisent pas toujours ce détail et alors, pour peu que l'hiver soit froid et humide, c'est la déception, une partie des poireaux pourrit. Je creuse un sillon assez profond, ce sera autant de centimètres gagnés lors du buttage, et puis ça facilite bien l'arrosage. Les plants doivent avoir à peu près la grosseur d'un crayon. Je coupe les racines à deux centimètres, le but étant de ne pas risquer de les retourner en plantant. Je coupe également les feuilles à 15/20 centimètres. Elles traîneraient à terre pendant la période de reprise et attireraient les limaces qui normalement s'intéressent peu aux poireaux. Je plante à peu près un poireau tous les dix centimètres, en veillant à un détail: que le pli des feuilles soit dans le sens du sillon. Sinon, le poireau s'étale en travers de sa rangée et ça complique le binage. Le pouce et l'index de chaque main enfoncés de part et d'autre de la tige pour bien tasser la terre autour du fût puis un arrosage abondant. Plus tard, il faudra combler le sillon (en désherbant par le même occasion), puis butter pour avoir le plus de "blanc" possible.

C'est en hiver que les poireaux font le plus plaisir. Quand on a le souci d'être "écologiquement correct", manger des légumes en hiver devient un peu compliqué. Plus de haricots marocains à Noël, pas de courgettes cultivées on ne sait où, pas de tomates bien sûr. Carottes, choux, navets, on a beau aimer le "poteau-feu", c'est un peu répétitif... Le poireau, c'est l'asperge du pauvre. On va le retrouver bien sûr dans le pot au feu (lui aussi) et la soupe, mais on peut en faire une "fondue", recette simplissime, laisser cuire à l'étouffée le poireau coupé en morceaux et basta. Ou cuisiner (avec les restes de la fondue) une tarte aux poireaux. Ou encore les cuire entiers à l'eau pour les servir, encore tièdes, avec une vinaigrette. Autant dire que mes 200 poireaux filent vite et font bien plaisir à tout le monde.

Depuis que je me soucie d'acheter des plants bio, j'ai vu réapparaître le fameux "ver du poireau". La première année, je me suis fait prendre, j'avais oublié son existence. Mon grand père utilisait, contre le ver du poireau, deux techniques différentes au moment de la plantation. L'une, pas écolo du tout, faire tremper les plants dans de l'eau javellisée. L'autre, plus écolo tu meurs, les laisser simplement sécher une journée en plein soleil. Je m'en suis souvenue en constatant que les plantations de mon petit fils avaient mieux échappé au ver que les miennes. Simplement je lui avais fait planter des poireaux qui avaient un peu "traîné". Un regret, les plants vendus sur le marché sont de plus en plus petits, et ceux qui sont trop petits résistent mal à la journée de bronzage. Par ailleurs, les vendeurs sont de plus en plus pingres, les paquets ont tendance à faire pile poil le nombre prévu, y compris des trucs filiformes qui ne méritent plus leur nom.

Le classique "ver du poireau" n'était présent qu'à un exemplaire par plant, et on pouvait encore, au cas où il aurait échappé au séchage, l'éliminer en coupant à ras le feuillage en début de végétation. Mais voici trois ans, une nouveauté a pointé son museau. Ce n'est plus un mais trois, quatre petits vers d'un blanc jaunâtre qui se bousculent sur un malheureux plant. A mesure que l'hiver s'avance, ces trublions se nymphosent, et un petit cocon brun apparaît au bout de chaque galerie. Un cocon brun de moins d'un millimètre de diamètre et de trois ou quatre de long. Les feuilles sont labourées de galeries dispersées, elles se tordent et s'étiolent, bref, mes poireaux ont une drôle d'allure, ils oublient de grossir et le peu qu'il m'en reste ressemble, après triage, à un plumeau déplumé. L'épluchage devient une fastidieuse corvée, et la comparaison "avant/après" proprement démoralisante. En plus, il faut (il faudrait) veiller à ce que les minuscules pupes brunes ne se retrouvent pas à hiverner benoîtement dans le compost, pour donner naissance à autant de petites mouches susceptibles de pondre l'an prochain dans les poireaux. Bestioles qu'on aura obligeamment amenées à pied d'oeuvre en épandant ce même compost au pied des poireaux nouveaux. Trier les poireaux, puis trier les épluchures, c'est pas une vie moi je vous dis. Du coup, il me reste plein de poireaux, j'ai même pas envie de les ramasser, et il le faut pourtant car ils vont monter en graine.

Cette charmante nouveauté qui me mine le moral est la bien nommée "mouche mineuse du poireau". Elle nous vient du Haut Rhin où elle a été signalée en 2003 mais où elle sévissait probablement depuis deux ou trois ans. Elle étend progressivement son aire de nuisance, sous la surveillance inquiète du service des végétaux de Strasbourg. Pour s'en protéger, des voiles anti-insectes... et pas grand chose d'autre. Heureusement, il semblerait qu'après deux ou trois ans de dégâts importants, ce parasite trouve enfin son prédateur, et que les dégâts vont ensuite en décroissant. Ce qui semble se passer chez moi. L'an dernier, c'était une catastrophe, cette année, c'est nettement moins problématique. Si ça vous arrive, ne vous jetez pas sur le premier pulvérisateur écrase-tout qu'on ne manquera pas de vous conseiller dans les jardineries. Vous tueriez en même temps l'hyménoptère parasite prédateur de ce ravageur qui a déjà commencé à en réguler la population. Semez plutôt autour de vos carrés de légumes les fleurs qui sont réputées favoriser les auxiliaires amis du jardinier. Ne récurez pas trop l'environnement de votre jardin, un tas de bois ici, quelques brindilles creuses où nicher, quelques plantes sauvages respectées donneront toutes leurs chances à ces amis qui veulent du bien à vos poireaux.

lundi 14 décembre 2009

Le jardinage bio est un sport de combat!

J'ai reçu hier le catalogue 2010 du G.I.E Le Biau Germe. Publicité totalement, absolument, résolument gratuite et spontanée. Quoique, vu que je m'apprête à faire une commande ...

Sur la couverture, une très belle amarante rouge. Tiens, je pense que je vais commencer ma commande par ça: deux mètres de haut, "spectaculaire en fond de massif", mon Petit Jardinet devrait être content, et moi aussi puisque "Les feuilles peuvent être consommées à la manière des épinards et les lourds pannicules sont pleins de très petites graines comestibles". Des fleurs qu'on peut manger, des légumes décoratifs, comment s'accommodent-elles, ces plantes, d'un tel brouillage identitaire?

En tous cas, tout va bien pour la mienne, d'identité, puisque la racine (mais non, pas celle de la plante, la racine linguistique!) est gréco-latine (latin amarantus emprunté au grec amaranton), et le gréco-latin, en galimatias identitaire, on a le droit. J'avais peur que ce soit encore une plante venue d'ailleurs, genre quinoa, maïs ou potiron de Hokkaïdo. Heureusement, je me souvenais d'un couplet sarcastique du grand Molière qui parlait par la bouche de Trissotin, d'un carrosse amarante ou "de ma rente". Molière, on a le droit. Mais je relis l'édito du catalogue, et voilà que j'apprends que l'amarante est aussi "plante sacrée des incas"... et (on n'arrête pas le progrès) qu'elle a une cousine américaine qui fait de la résistance aux herbicides par contamination OGM, quelle peste, on va devoir l'arracher à la main!

Bon, je crois que je vais laisser tomber ces conneries identitaires, sinon je vais pas réussir à faire ma commande, un catalogue de graines, surtout bio, c'est farci d'étrangetés. Même si c'est farci, également, de très anciens légumes bien de chez nous. Le Biau Germe s'attache, en effet, à retrouver, sauvegarder, voire réintroduire dans le circuit les variétés cultivées avant 1914, non parce qu'elles sont anciennes, me faites pas la plaisanterie nulle des cavernes et de la bougie, mais parce qu'elles datent d'une époque où la sélection maraîchère et l'hybridation n'avaient pas encore fait les dégâts que l'on sait, privilégiant des qualités compatibles avec la culture industrielle, la grande distribution, la longue conservation en chambre froide et les voyages lointains plutôt que les qualités nutritionnelles et gustatives. Privilégiant aussi la NON reproductibilité des semences, tous ces paysans qui fabriquent eux-mêmes leurs propres graines, ça fait désordre. Et quelle insupportable entrave à la liberté de commerce!.

Une bonne trentaine d'artisans semenciers se sont réunis cet été, à l'initiative de Biau Germe et de ses copains les Croqueurs de Carottes pour les Journées Sélections de la Semence. Leur travail s'apparente à ce que j'appelle la résistance-colibri: ils essaient de sauver chacun à sa mesure une toute petite partie de cet héritage ancien, et leur effort, n'en déplaise aux railleurs, n'est pas tourné vers le passé mais vers l'avenir. C'est en conservant le plus possible de semences anciennes que peut-être l'humanité pourra faire face aux grands bouleversements climatiques qui sont désormais inévitables. Sans hybridation (l'hybridation donne des plantes stériles), sans OGM bien sûr, de nouvelles obtentions pourront apparaître, puisant dans la biodiversité génétique sauvegardée, privilégiant le gustatif et le nutritif, qualités qui n'auraient jamais dû cesser d'être au premier plan de la recherche agronomique. Privilégiant aussi l'adaptation aux sols et aux climats, pour éviter les arrosages gaspilleurs et les épandages de toxiques, engrais ou pesticides, nécessaires aux plantes rendues fragiles pas leur manque de compatibilité avec le terroir.

Par une bizarrerie (voulue?) de nos lois, un artisan semencier qui essaie de participer à ce sauvetage de variétés anciennes se voit doublement pénalisé. Commercialement d'abord, il ne pourra pas vendre ces graines là, disparues du Catalogue Officiel, à des maraîchers. Inutile de vous dire que les petites commandes de jardiniers amateurs comme moi ne suffisent pas à valoriser les efforts entrepris. Ces graines ne pourront être vendues que sous l'étiquette "Semences destinées exclusivement aux jardiniers amateurs" et en petits sachets. De plus, même pour être vendues à des amateurs, ces graines sauvées de l'oubli doivent être inscrites sur un catalogue annexe du Catalogue Officiel, et cette inscription est payante.

Donc, voilà, munie de ce très sobre et très joli catalogue, je fais l'inventaire des graines qui me restent. Périmées? Il y en a quelques-unes, mais peu, j'avais déjà, l'an passé, fait un sacré ménage: je suis négligente et gardeuse, alors ça faisait franchement pitié, ma collection de vieux sachets. J'avais aussi changé le lieu où je stocke mon petit bazar: il me semblait que mes graines perdaient, plus vite que prévu, leur faculté germinative. Je les ai déménagées dans le buffet de cuisine hérité de ma mère, ce buffet des années 50 moins suspect d'être imprégné de formaldéhyde que les étagères en agglo où elles étaient précédemment.

Le catalogue me sert de guide: ail, arroche, aubergine, betterave, carotte... J'ai déjà planté de l'ail cet automne, je ne sais si j'ai eu raison, d'habitude je ne le fais qu'au printemps. Je me suis dit que j'allais essayer. Ils pointent déjà leur petit museau vert et pointu, ça a l'air de bien se présenter. Pour l'arroche, pas besoin, elles se ressèment régulièrement depuis que j'en ai récupéré les graines dans le jardin d'une copine. Aubergine... bah, mes essais précédents étaient assez minables, je ne suis pas très performante avec les plantes qui demandent trop d'attention. Je continue à suivre l'ordre alphabétique. je coche avec un feutre fluo les graines dont je vais avoir besoin. Je note la date de péremption de celles qui me restent de l'an dernier.

J'aime bien préparer mes commandes de graines en décembre, quand les collines d'en face sont saupoudrées de neige, que le brouillard me cache la Chartreuse toute proche, que l'étang en dessous est bien visible, les arbres qui le dissimulent en été ayant été déshabillés de leur plumage. A propos de plumage et pour parfaire l'atmosphère les corbeaux s'abattent en croassant sur les prés où on se demande bien ce qu'ils trouvent. Je regarde tout ça et je rêve au printemps. Faudra que je trouve le temps de tailler les sureaux, ils se sont bien trop développés depuis que je les ai sauvés du désherbant féroce de mon "locataire" paysan qui les maintenait, année après année, à l'état de moignons noircis sans pourtant en venir à bout définitivement, coriace sureau! Le laurier sauce aussi en prend à son aise. il dépasse le muret, c'est pas dans nos conventions.

Je suis fidèle au "Biau Germe" depuis de nombreuses années, mais il me vient des envies de vagabonder un peu. Pas chiens, ils m'y encouragent en me fournissant la liste de leurs amis "Croqueurs de Carottes": Germinance, Graines del Païs, Les Semailles, Ferme de Sainte Marthe, Jardins d'Envie... Tous ces gens, et bien d'autres, font partie du réseau de "Semences Paysannes". Entre autres activités, Semences Paysannes nous informe des toutes dernières nouvelles en matière de réglementation grainetière européenne. Si vous avez le temps, allez lire ça, vous ne serez pas déçus: on y sent très bien tourbillonner les vents contraires, la pression de l'évidence écologique contre celle des lobbies agro-industriels. On y donne d'une main ce que l'on retranche de l'autre, on caresse d'une main tandis qu'on étrangle de l'autre. De la même façon, les deux girouettes de mon toit, une vache et un cheval, persistent bizarrement à indiquer des directions différentes. La masse imposante du château voisin y serait-elle pour quelque chose?

Hors sujet, mais pas tant que ça:

Déclarée en septembre 2002 par un directeur zélé de la répression des fraudes, la guerre de l'ortie a connu des hauts et des bas. Elle est loin d'être finie, et son issue reste incertaine.

Celle des semenciers biologiques prend le même chemin.

mercredi 21 octobre 2009

Des pommes, des poires et des tomates vertes

La fermière chez qui nous passons chaque semaine prendre des oeufs et du fromage blanc nous donne souvent, à l'automne, une cagette de pommes tombées. Pour la compote, dit-elle. En vrai, ces pommes sont délicieuses à croquer, sucrées à point et acidulées juste comme il faut, mais pas très présentables. Un peu habitées, un peu tapées, on a pas envie de mordre dedans sans précautions. Et puis, il y en a beaucoup et elles se conservent mal. Donc, compote. Ou plutôt, pourquoi pas, chutney. Parce que bien sûr (voir les billets précédents) il y a aussi les tomates vertes.

J'avais fait un premier chutney, occidentalisé bien sûr, assez loin des recettes originales, c'est ça le mélange des cultures. Trois cents grammes de tomates vertes complétées d'une ou deux pommes. Pour tester mes capacités, mais surtout les réactions de mon entourage. Parce que plein de pots que personne veut manger, hein, bon...

Premier succès, ils (mon homme et un de mes fils, provisoirement présent) ils aiment ça, donc. Trop de gingembre, dit l'un. Pas assez, dit l'autre. Mazette, ça commence bien! Bah, on va faire une bassine avec moins de gingembre, et une autre avec plus. Première bassine, deux kilos de tomates vertes, un de pommes, un demi litre de vinaigre, 250 grammes de sucre. Et le gingembre. De la moutarde aussi. Un petit piment, tout petit, on est pas des indiens. J'ai dû oublier des trucs, mais vous trouverez plein de recettes sur le net, la mienne vient d'un vieux bouquin de Terre Vivante, "Les conserves naturelles des quatre saisons".

Seconde bassine, j'ai découvert quelques poires dans la cagette de pommes. On va donc, pourquoi pas, rajouter des poires. Et puis on va raffiner, traduisez suivre la recette au lieu de mettre tout en vrac dans la bassine. Pendant que mon mélange tomates vertes, pommes poires (coupées en petit morceaux, bien sûr) commence à chauffer, je fais revenir des oignons dans une cocotte en fonte. Je rajoute le gingembre, la moutarde, le sucre et le vinaigre. Je fais mijoter un peu, puis je verse le tout dans la bassine où cuit déjà le reste. Comptez une bonne heure en tout, faut que le mélange commence juste à attacher, remuez et surveillez pendant le dernier quart d'heure. Mettez en pot.

Finalement, ça valait le coup de vaincre ma paresse et mon jemenfoutisme naturels: si la première cuvée n'est pas mauvaise, la seconde est excellente, parfumée et tout et tout. Du coup, on en mange sans modération, avec un reste de poulet froid, avec des céréales un peu fades, avec une tartine de rillettes ou de pâté.

Va rien me rester pour les cadeaux!

Ou alors j'en refais? J'ai encore des tomates vertes. Mais plus de pommes, ni de poires. Je pourrais faire une razzia dans les environs, c'est un peu triste tous ces vieux arbres avec les fruits tombés que personne ne ramasse. Les châtaignes non plus, on les ramasse pas, c'est pour les promeneurs du dimanche maintenant. Par contre les noyers... ne vous y frottez pas. Nous sommes dans la zone "noix de Grenoble", les noix sont soigneusement ramassées en temps utile, et les propriétaires peu indulgents aux maraudeurs.

samedi 17 octobre 2009

Première gelée

Si vous êtes débutant en jardinage, prenez la peine de noter la date de la première gelée. Et notez la chaque année, c'est une date bien utile. Cette année, chez moi, c'était dans la nuit du 14 au 15 octobre. J'avais ramassé mes potirons l'avant veille, mais le soir du 14 ils étaient encore dans leur brouette, devant la porte. Je ne m'en suis avisée qu'à la nuit tombée. Il m'a heureusement suffi de rentrer la brouette dans le couloir. Le lendemain matin, partant tôt pour une randonnée, je trouvai mon pare-brise "embué", une buée que les essuie-glaces ne faisaient pas disparaître: pare-brise givré.

Pour la petite histoire, le temps s'annonçait très bleu, dur et froid comme je l'aime... mais nous sommes partis dans une vallée voisine chercher les nuages et le brouillard givrant. Pas de paysage à admirer, par contre de très belles touffes d'herbe frangées de blanc. Le givre, en se formant dans nos cheveux, nous faisait d'élégantes aigrettes nacrées.

Le lendemain, je suis allée inspecter mon jardin. Les haricots sont les sentinelles du gel. Si vous n'avez pas de thermomètre, vous savez que le zéro a été atteint, à la brûlure des feuilles de haricots. Les feuilles des courgettes aussi avaient accusé le coup, moins, et il restait à cueillir cinq petites courgettes qui nous firent le soir même une très agréable tarte courgette et féta. J'avais également laissé en place trois petites butternuts "tombées de la dernière pluie" au sens propre. Leur maturité était un peu juste, mais inutile d'attendre maintenant, le temps resté bien froid ne leur laissait guère d'espoir. Les plus jeunes tiges de tomates, qui avaient cru que l'été indien leur laissait un créneau, avait elles aussi souffert. Les tomates sont encore belles, seulement, elles ne mûriront plus. Je les ramasse: cinq kilos de tomates des Andes, et presque deux kilos de Noires de Crimée. Confitures ou chutney?

Un petit plant de Physalis peruviana (Prune des Incas), qui avait poussé tout seul à partir d'une graine ancienne, était, lui, complètement ratatiné. Dommage, j'aimais bien cueillir et grignoter ses petites cerises orangées, enveloppées dans un lampion de papier de soie jaune. Qu'est devenue la verveine? Ma foi, elle a résisté, c'est ma dernière chance de faire la seconde cueillette. Ah, le parfum de la verveine... j'étale les tiges sur une serviette, elles y resteront quelques jours avant d'être effeuillées et stockées dans un sac en papier ou une boite métallique. Pour bien faire, il faudrait que je mette la plante en pot et que je la rentre pour l'hiver. Trop paresseuse, je prends le risque chaque année. S'il ne gèle pas trop, elle repousse encore plus belle. Sinon... j'en suis quitte pour racheter un plant au printemps.

Les soucis semés fin août par mon petit fils sont magnifiques, comme si le gel leur avait donné de l'éclat. Les bettes à carde rouge n'ont pas souffert, on en profitera encore un peu, il leur arrive de résister jusqu'au printemps et de donner une dernière récolte avant de monter en graine, même si parfois la souche pourrit. La sécheresse a empêché les poireaux de grossir, pas grave, il y en a assez pour nous réjouir tout l'hiver: fondues, tartes, verdure de pot au feu. Pour le pot au feu, il y a aussi les choux et les panais, qui y trouvent bien leur place. Les panais supportent l'hiver et peuvent rester en terre, s'il ne fait pas trop humide. Quant aux choux, il faudrait les remettre en terre dans un endroit abrité des différences de température. Ils supportent bien le froid, mais les alternances gel/dégel les font pourrir. Il n'en reste pas beaucoup, ils seront mangés avant.

Quelques feuilles du figuier planté au printemps et dédié à ma petite gazelle se sont recroquevillées, je suis un peu inquiète, je vais protéger la base du buisson avec des feuilles mortes enveloppées dans un film de non tissé. Planté dans un coin bien abrité, il a poussé très vite, et doublé de hauteur en quelques mois. Je serais désolée qu'il lui arrive des bricoles.

Dans les jours qui viennent, je vais finir de nettoyer le jardin, ranger piquets, bâtons, cordeaux, outils, mettre au compost les plants de tomates, courgettes, potirons, refaire le tracé des allées, finir de désherber les coins très envahis. Je ne nettoie jamais trop, il faut que la terre reste couverte, et que les insectes auxiliaires puissent y attendre, bien abrités, le retour du printemps. Je laisse en place toutes les herbes pas trop teigneuses, les mourons, les véroniques qui tapissent bien le sol. Je laisse aussi un nombre raisonnable de vivaces spontanées ou naturalisées, cardère, onagre, rose trémière, julienne des jardins qui ponctueront de leur floraison mon jardin de l'an prochain.

Après, je fais comme les hérissons et les crapauds qui, je l'espère, auront profité de l'hospitalité offerte, quelques tas de bois déposés ici ou là:

J'hiverne!

mercredi 14 octobre 2009

Et ron et ron, petits potirons

J'ai ramassé hier mes potirons. Une pleine brouette. Oh, ce n'est pas avec ceux-là qu'on pourra faire un carrosse. Ils sont petits, tout petits, mais costauds. Les variétés que je choisis ont un point commun, pour en faire de la purée, il faut rajouter du liquide. Les énormes courges gonflées à l'eau claire et dépourvues de saveur, c'est pas mon truc. Quoique... quand je les vois dans les jardins des autres, j'ai un petit pincement de jalousie. Faudra que j'en fasse, un de ces jours.

Donc, chaque année, je prépare des plants de potirons. Comme pour les plants de tomates, les tomatiers je veux dire, je remplis de mon compost maison une barquette en plastique. Trouée au fond, hein, cela va sans dire, mais... une amie qui se plaignait de voir pourrir ses plants n'avait pas respecté cette élémentaire condition, alors... on ne sait jamais. Le semis est plus tardif, avril suffit. Vous prenez la graine entre le pouce et l'index, la pointe en bas, et vous l'enfoncez d'un bon centimètre. C'est une règle pour les semis, la profondeur est proportionnelle à la taille de la graine. Deux ou trois fois son épaisseur, ce qui ne veut pas dire grand chose quand il s'agit de graines de laitues, minces comme du papier à cigarettes. Mais ça donne une idée.

Assez vite, vous verrez la terre se bosseler, puis se fendre, et enfin deux petites feuilles ovales et charnues émerger, encore coiffées de l'enveloppe rigide de la graine. Bien éclairé, le plant va s'étoffer, pousser de vraies feuilles, devenir touffe, grossir. S'il s'allonge trop, c'est qu'il manque de lumière. Il a besoin aussi d'arrosage régulier et abondant. Il va attendre bien à l'abri que les saints de glace aient donné leurs derniers feux (ça brûle, le gel). En attendant, il faut préparer la terre à le recevoir. Car ces petits plants sont des voraces. Ils aiment une terre bien enrichie en compost, on les voit parfois, dans nos campagnes, pousser sans manières sur un tas de fumier abandonné. Donc au jardin, on creuse un bon trou. Vingt à vingt cinq centimètres de profond. On peut mettre au fond un peu de crottin de cheval, et compléter avec du compost, même pas très mûr: certaines plantes ne supportent le compost que très mûr, mais le potiron n'a pas ces pudeurs. Le fumier de cheval, le compost incomplètement décomposé continuent à chauffer, ça aide bien à la reprise et au démarrage car les nuits sont encore fraîches, et les jours pas très chauds.

Un trou profond, donc, bien fertilisé, et beaucoup de place autour. Il faut prévoir environ deux mètres d'espacement, car le potiron est une plante coureuse. Ses tiges s'allongent, s'allongent, s'écartent, le plus souvent en direction du soleil. Très vite, tout ça s'enchevêtre et déborde l'espace assigné. Première précaution, je marque avec un bâton assez long l'emplacement futur de chaque pied, pour savoir où arroser. Car il faudra arroser, et beaucoup: plusieurs litres au début, un arrosoir plein (les miens font dix litres) en fin de saison. Selon votre tolérance au désordre, vous pourrez, ou non, laisser les tiges envahir les allées, sortir du jardin, migrer vers la prairie ou, pourquoi pas, la pelouse.. Ma tolérance au désordre est assez élevée, mais ce sont les limaces qui m'interdisent ces fantaisies, elles adorent les potirons naissants couverts d'une peau encore tendre à leurs mâchoires dignes d'un crocodile miniature. Ces mêmes limaces m'interdisent le paillage, qui économiserait l'arrosage mais m'empêche de les repérer.

Donc repiquage, "dès que les gelées ne sont plus à craindre". Bien serrer la terre autour des racines en enfonçant profondément les deux index et les deux pouces en carré. Les pouces verts, c'est ça, et pas autre chose. Arroser, même si c'est mouillé, l'eau fera ruisseler la terre autour des racines, éliminant les dernières poches d'air qui compromettraient une bonne reprise. Et voilà!

Cette année, je n'ai pas pu semer, j'ai planté des potirons achetés le 8 mai à la traditionnelle foire aux plants de Terre Vivante. Deux plants de potimarron, l'incontournable. Il y a maintenant plus de vingt ans que le potimarron a fait son coming out. Au début, confidentiel, très confidentiel, réservé aux milieux bio avertis. A présent, connu de tous ou presque, présent en graineterie classique, en plants dans les jardineries, et sur les marchés en automne. Il a même les honneurs de Wikipédia, alors hein? Plus deux plants de Butternut, et deux de Green Hubbard. Je sais pas trop pourquoi, mes Green Hubbard ressemblent plutôt à des "Bleu de Hongrie", les surprises des plants qu'on ne fait pas soi même... Et puis, comme il me restait un peu de place après avoir repiqué tout ça, j'ai creusé deux trous de plus et j'ai fait un semis direct de Buttercup. Le semis direct est intéressant, car plus économe en main d'oeuvre (je suis assez paresseuse, vous vous souvenez), et pour la Buttercup, dont les fruits se forment et grossissent très vite, le léger retard pris au démarrage n'a pas de conséquences. J'achète mes graines à Biaugerme, mais pour les photos je vous envoie sur le site de la ferme de Sainte Marthe. Biaugerme n'est pas encore au top pour les photos.

Et tiens, à propos de Terre Vivante, ils vont clore leur saison par une mémorable "Fête de la soupe". Ce dimanche 18 octobre. J'y serai. Les potirons aussi!

lundi 28 septembre 2009

Tomates et tomatiers

Chaque année, au mois de mars, je commence mes semis de tomates.

Les tomates et moi, c'est une ancienne et toujours actuelle histoire d'amour. C'est avec elles qu'adolescente j'ai commencé à jardiner, et même à cuisiner car ma mère snobait mes productions agricoles et préférait celles du "Casino" d'en face: mes tomates manquaient de rondeur et de calibrage, et mes salades, pouah, étaient pleines de terre et de limaces. C'est ainsi que je me suis lancée dans la tomate farcie à 15 ans.

Chaque printemps, mon grand père me fournissait quelques plants et aussi des piquets faits maison, mon père bêchait quelques mètres carrés de la lourde terre argileuse de notre jardin de banlieue par ailleurs abandonné aux herbes sauvages vaguement tondues de temps à autre. Et je repiquais soigneusement, suivant à la lettre les conseils de l'ancêtre, taillant scrupuleusement chaque plant. Pas un seul gourmand, surtout pas de tiges secondaires, compter trois ou quatre grappes de fleurs, étêter. Mon grand père, je l'ai déjà dit, avait le jardinage austère et rigoureux. Il serait assez éberlué, aujourd'hui, de voir ce que j'ai fait de ses leçons, la créativité et la fantaisie, c'était pas son truc . Ou alors, ça ne l'était plus? Qui sait si un poète rebelle assassiné ne gisait pas dans un de ses placards intimes bien verrouillé? Car mon grand père, dans une famille ouvrière, avec des ancêtres paysans ou domestiques, tous plus bigots les uns que les autres, possédait un phonographe, avec quelques 78 tours, et parmi eux des disques d'opéra (!?) et quelques chants révolutionnaires (!!??). Si bien que mes oncles curés étaient capables de brailler à pleine voix l'Internationale ou le Chant des partisans (A l'appel du grand Lénine), et que mon seul oncle pas curé, lui, chantait le Barbier de Séville avec une magnifique voix de baryton. En 1968, j'étais bien la seule gauchiste à connaître par coeur tous les couplets de l'inter, à peine si les autres connaissaient le refrain. Le grand père se contentait, dans les repas de famille, de "La chanson des blés d'or", plus conforme à ses origines. Il gardait un chapelet dans sa poche et sonnait les cloches de l'église avant de servir la messe de l'aîné de ses fils. Et ne laissait ni ses tomatiers, ni son jardin s'écarter d'un poil de la ligne claire. Sa seule fantaisie, c'était d'autoriser quelques plants d'arroche belle dame pourpre s'implanter où ça leur plaisait et se ressemer à leur fantaisie. Graine de folie, en quelque sorte.

J'ai parlé de tomatiers, je dois remercier la fille d'Agnès, auteure de ce néologisme aussi charmant qu'utile. Cette année, côté tomates, c'était luxe et abondance. Je crois bien n'avoir jamais eu une telle récolte, et c'est pas fini malgré la fraîcheur qui s'installe doucement. Pourtant, le départ n'avait pas été fameux. J'avais bien commencé mes semis comme d'habitude, pots de yaourt percés, barquettes de fruits soigneusement conservées de l'été précédent, compost tamisé de ma fabrication. Le tout installé devant la baie vitrée de la salle à manger. Mais, alors que tout ça commençait à se développer au point de nécessiter un arrosage quotidien, me voilà partie à l'autre bout de la terre pour trois semaines. Que faire? un seul de mes enfants a pris le virus du jardinage, et il était fort occupé par le sien de jardin, entièrement à défricher, terre fertile certes, mais pas facile à travailler. Rien à espérer de ce côté là. Mon autre fils... je craignais le pire pour lui avoir déjà confié mon jardin, dont il s'était occupé de manière fort aléatoire. Je l'ai tout de même chargé de mission, avec des recommandations précises, pressantes et inquiètes. Et, bonheur, il n'a pas failli. J'ai retrouvé mes plantations en très bon état, prêtes au repiquage, on était début mai, il était temps. C'est après que ça s'est gâté, car la terre, elle, n'était pas prête. Même en travaillant intensément de la grelinette, je n'ai rien pu mettre en place avant la fin du mois. Quand je leur ai enfin offert une terre à leur mesure, mes plants n'étaient pas farauds.

Cette année, j'avais vu grand. Vingt et un tomatiers. Six variétés différentes. Comme piquets, j'utilise depuis quelques années des fers à béton. L'idée m'est venue en voyant la très belle tonnelle du centre "Terre Vivante". Cela fait des piquets solides, discrets, , très durables, faciles à stocker l'hiver, ne gardant pas les virus comme le bois, peu coûteux. Parfaits donc. J'ai d'ailleurs pu constater que le mythique Festival des Jardins de Chaumont sur Loire avait lui aussi adopté les fers à béton et la ferraille rouillée en général, une fameuse référence, non?

En juillet, j'étais un peu déçue: la récolte s'annonçait belle certes, mais restait obstinément verte, malgré mes visites quotidiennes et mes regards pressants. Si tu plantes avec un mois de retard, pas question de te plaindre. Au jardin, le temps qu'il fait et le temps qui passe sont les maîtres absolus.

Ce sont les "Noires de Crimée" qui ont commencé. Sournoises, le dessus restait vert, il fallait retourner le fruit pour découvrir un début de coloration. Petite production, mais délicieuse. Et d'une couleur très particulière, allant de carmin clair à rouge sombre. Malgré une absence quasi totale de taille, ces plants là ressemblaient à ceux de mon grand père, une seule tige portant trois ou quatre bouquets et peu de gourmands.

Après, je ne me souviens plus très bien de l'ordre d'apparition. J'avais acheté quelques plants à Terre Vivante; pour essayer de nouvelles variétés. Deux plants de petites tomates jaunes, minuscules et innombrables. "Cocktail clémentine", le nom de "mirabelle" serait plus approprié, exactement la taille et la couleur des mirabelles. Elles ont mûri et fleuri sans cesse, et ça continue. Sympa à l'apéritif, leur couleur dorée fait aussi merveille dans une salade multicolore.

Les "Green Zebra", deux plants aussi, m'ont posé un problème: comment repérer leur maturité? Merci au magnifique (et très complet) site Tomodori qui m'a aidée. J'attendais trop. La coloration, zébrée en effet de vert clair et de vert foncé se nuance délicatement de jaune, tandis que le fruit devient moins ferme. C'est juste là qu'il faut cueillir. Plus tard, le jaune s'accentue, mais le goût devient fade. Plus tôt, elles sont trop acides, et leur couleur accentue l'impression... que vous avez servi à vos invités des tomates vertes. Par contre, toujours dans une salade multicolore, plein succès.

Sous le nom de "Prune Noire" j'avais également acheté deux plants de petites tomates ovales dont le rouge sombre vire au noir. Délicieuses à croquer sur place, il faut les mettre entières dans la bouche pour apprécier la manière dont elles libèrent leur jus au goût très particulier, pas vraiment un goût de tomate. En salade, je trouve leur peau un peu trop dure. Celles-là ont produit assez peu, et c'est presque fini.

Je cultive chaque année des Tomates de Berao. Ovales, pas très grosses, productives, sans souci, je les utilise plutôt cuites que crues, leur goût n'a rien d'extraordinaire et elles tiennent bien à la cuisson. Coupées en deux dans une poêle, avec des herbes de Provence et de l'ail écrasé, un peu de crème pour finir si vous voulez raffiner, ça fait un accompagnement rapide qui relève bien le goût un peu fade des céréales complètes, boulghour, quinoa ou sarrasin. Repas acceptable prêt en un quart d'heure, ya des jours où c'est utile! Cette année encore, elles remplissent bien leur contrat.

Mais j'ai gardé les meilleures pour la fin: les Tomates des Andes. Elles se sont fait prier, les vilaines. Deux ou trois ont commencé à se colorer... au moment où toute ma petite famille faisait ses bagages. Ils en ont à peine profité. Quel dommage, car elles sont vraiment délicieuses. Et d'une abondance rare. Je pense que chaque plant aura produit plusieurs kilos à lui seul. Nous en avons mangé quasiment à chaque repas, en salades multicolores d'abord, puis, maintenant que les autres se font rares, en salades toutes simples, ou mélangées à du (de la?) quinoa. Je pense que ce sont les meilleures tomates que j'aie jamais goûté.

Désormais, les tomates mûrissent plus lentement. Je les ramasse dès que leur couleur vire du vert cru au vert pâle, ou se colore un peu. Dans la chaleur de la maison, étalées dans un plat pour mieux les surveiller, elle mûrissent plus vite et ne s'abîment pas. Les Noires de Crimée, c'est bizarre, sont reparties en végétation, chaque plant a fourni un nouveau bouquet de fruits pas très gros mais tout à fait honorables. Les autres continuent leur route, et je cherche déjà des recettes de tomates vertes, confitures ou chutneys, pour utiliser ces retardataires qui seront nombreuses cette année.

C'est l'automne. Le beau temps qui persiste voudrait nous le faire oublier, mais les jours plus courts, la fraîcheur matinale, les récoltes qui s'essoufflent, les feuilles qui commencent à jaunir et à tomber nous le rappellent. J'aime cette saison. Elle a un goût de plénitude: récoltes rentrées, granges pleines, bocaux de conserves sur les étagères, pots de confiture, mission accomplie. Je ne fais ni confiture ni conserves ou très peu, mes modestes récoltes sont mangées au fur et à mesure. Comment expliquer la survivance de cette sensation?

mardi 15 septembre 2009

Poussière dessus, béton dessous

Mon jardin a les défauts de ses qualités. Une excellente exposition sud-est, un terrain en pente légère, un (très vilain) mur de béton qui lui réverbère la chaleur du soleil quand celle-ci a cessé de lui parvenir directement lui donnent un microclimat de quelques degrés plus chaud que les terrains qui l'entourent. Ce qui peut se traduire, au printemps, par une ou deux semaines d'avance, à l'automne par une persistance un peu plus longue de la chaleur. Et, compte tenu du fait qu'en plus le sous-sol est très caillouteux, par un sol qui se "ressuie" rapidement.

Un sol qui se ressuie rapidement, c'est bénéfique au printemps. Depuis que je suis à la retraite, j'ai décidé de préparer la terre, de la "greliner" entièrement à la main. C'est parfait pour ma forme physique... mais ça prend du temps. Or, il ne faut jamais travailler une terre mouillée, sous peine de la voir croûter et bétonner ce qui ne plaît pas du tout aux petites graines qu'on sera amené à lui confier ensuite. Et au printemps, il pleut souvent. Si l'alternance pluie/soleil est trop rapide, la grelinette n'a pas le temps de faire son boulot entre deux averses. Dans mon ancien jardin, il fallait bien une semaine de franc beau temps pour pouvoir commencer à travailler. Là où je suis maintenant (15 ans, quand même, ça nous rajeunit pas ma bonne dame) il suffit de deux ou trois jours.

Oui, mais après le printemps, voici l'été. Et les pluies se font rares, certains étés elles sont quasiment inexistantes pendant des périodes parfois de plusieurs semaines. Et mon jardin, qui se ressuie vite au printemps, se dessèche encore plus vite l'été. Ce qui implique d'arroser souvent et beaucoup. Me voilà donc, tous les soirs, munie de deux arrosoirs de 12 litres chacun, en train de fournir leur pitance à tomates, courgettes, haricots et autres assoiffées. Je n'arrose ni les oignons, il se conserveraient moins bien, ni les pommes de terre, assez rustiques pour survivre (quoique, cette année, j'aurais dû, vu la modestie de ma récolte!). Les choux peuvent attendre un peu. Pour les tomates, ce doit être abondant et régulier, la sanction étant une vilaine tache noire à l'opposé de l'attache, nommée "cul noir" ou plus poliment nécrose apicale, sèche d'abord mais qui ne demande qu'à dégénérer en pourriture. Pour les courgettes... si vous les oubliez, elles vous oublient: grève de la production. Les haricots, c'est pareil, ils ont particulièrement besoin d'eau au moment de la floraison. Les potirons... faut pas leur en promettre, un bon demi arrosoir par plant leur suffit à peine, ils refusent de grossir si on les rationne. Je n'arrose pas tout tous les soirs, bien sûr: grosso modo, un tiers du jardin par soirée suffit, ce qui me fait quand même un joli kilométrage, faudra que je pense à m'attacher un compteur à la cheville.

Nous avons la chance d'avoir une source, heureusement, car ça ferait aussi un joli kilométrage au compteur d'eau. Une source que nous partageons avec d'autres (heureux) bénéficiaires. Seulement, pour la seconde fois depuis quinze ans, voilà que la source tarit au plus fort de la sécheresse. Pas d'un seul coup, elle prévient d'abord. Les habitants du château voisin viennent voir si, des fois, j'aurais pas fait une fausse manoeuvre, toujours possible vu la complication des réseaux anciens et la connaissance fragmentaire que nous en avons. En bricolant un peu (ou ouvre ici, on ferme là), je leur "redonne" l'eau. Encore quelques jours de sursis, puis panne sèche. Pourtant, ça coule toujours au captage initial. En fouinant un peu, on éclaircit le mystère: parmi nos voisins, il en est un qui possède un étang. Et dans son étang... ça glougloute insolemment. Non seulement il se fournit à NOTRE source qui ne devait lui servir que de dépannage, mais il la laisse couler dans son étang EN PERMANENCE. Et comme il est à un point bas... nous voilà Jean de Florette. Une discussion affûtée avec lui ne sert à rien, sauf à nous convaincre que c'est un malotru. Il nous dit très clairement, quoiqu'avec des mots choisis, je fais ce que je veux et je vous emmerde. Et nous conseille d'arroser... avec l'eau de la commune. Il refuse même de fermer son robinet une heure en soirée au moment où j'ai besoin d'eau. On assassine pour moins que ça, vous êtes bien d'accord les amis?

Heureusement, une bonne pluie prend le relais et voilà le problème non pas résolu mais remis à plus tard. L'été est déjà bien avancé, les récoltes aussi, le soleil se fait déjà moins impitoyable, avec quelques discrets arrosoirs sur les cultures les plus sensibles on devrait limiter les dégâts. Discrets les arrosoirs, parce que, bien sûr, quand il fait assez sec pour que la source tarisse, les arrosages sont interdits. Et de nouveau, la terre se dessèche. Parfois, le ciel se couvre méchamment, devient même noir au point de nous fournir cette drôle de lumière un peu sépulcrale qu'on croirait artificielle. Un orage éclate, dont nous voyons et entendons la foudre. Mais les orages nous tournent autour dirait-on. Quelques gouttes nous font croire que... juste le temps de ramasser le linge... et de le regretter, car il ne pleut plus.

La source est définitivement tarie, plus de glouglou dans l'étang de l'abominable pilleur d'eau, il aura la vie sauve encore cette année. Pour le jardin, ce n'est pas dramatique, les tomates, courgettes et potirons continuent sur leur lancée, les haricots, c'est une autre histoire, le chevreuil vient délicatement chaque nuit brouter les quelques fleurs qui s'obstinent à éclore. Les poireaux grossissent très-très lentement mais ils se rattraperont cet automne. Surtout, mon jardin n'est pas un gagne pain. Mais j'ai du mal à entendre monsieur ou madame météo, sur l'une ou l'autre des chaînes où ils sévissent, se réjouir de la persistance du "beau" temps. Bande de ... parisiens. Près de chez nous, un champ de maïs est mort, nous sommes pourtant dans une région où le maïs est traditionnel, et pousse sans arrosage.

Ce qui me chagrine personnellement, c'est beaucoup moins utilitaire, presque poétique. Je commence à préparer mon jardin pour l'hiver, nettoyant ici ou là les "mauvaises" herbes, peu nombreuses et mal enracinées, mettant en terre les gousses nacrées des "poireaux perpétuels" (celui, je crois bien, qu'on trouve sur Wikipedia sous le nom de "poireau de vigne" et dont je me suis procuré les bulbes, il y a plusieurs années, chez Biaugerme). Je travaille superficiellement les espaces destinés aux engrais verts qui couvriront, fertiliseront et protègeront ma terre cet hiver, mais que je ne sèmerai que la pluie revenue. C'est une période que j'aime bien aussi, les plates bandes qui se libèrent peu à peu, les déchets qu'on met en tas avant de les composter, les allées dont on refait le tracé. Mais un plaisir me manque. Un plaisir sensoriel, sensuel. Plaisir des muscles, enfoncer la bêche dans la terre meuble, plaisir des yeux, voir au basculement de l'outil la terre bien noire se séparer en mottes fragiles, plaisir du toucher, écraser entre mes doigts ces mottes à peine humides, témoins d'une terre vivante et habitée. Ce que je trouve, au contraire, en grabotant, c'est d'abord une couche de quasi poussière, quelques centimètres, sans le moindre signe de vie. Puis, dessous, une véritable carapace de béton, qui refuse de se briser que ce soit entre mes mains ou sous le choc d'outils plus brutaux. Et parfois, au milieu d'une motte énorme que j'ai réussi à entamer... un tout petit centimètre cube de chair rosâtre, un ver de terre qui s'est replié là, au sens figuré, certes, mais aussi au sens propre, car il est véritablement noué sur lui même.

Lui aussi attend la pluie!

mardi 5 mai 2009

Grelinette et saints de glace

J'avais commencé, dans le billet précédent, à répondre au commentaire de Minium, et je me suis vite aperçue qu'un billet entier n'y suffirait pas. D'où ce nouveau billet, qui en effet ne répond que partiellement.

C'est bien d'une vraie "Grelinette" que je dispose. J'étais hélas tombée sur une mauvaise série (je crois qu'ils ont eu quelques ennuis de fabrication et de livraison) et une des dents se désolidarisait des autres au point de finir par tomber. Alors que normalement, un outil de jardin, c'est éternel. Je ne leur en ai pas voulu, ce sont de presque voisins, et j'ai racheté un modèle plus étroit (quatre dents seulement), mais finalement j'ai peut-être eu tort, car d'année en année le travail de ma terre devient plus facile. Qu'importe, à quatre dents ça va très bien et très vite en terre meuble.

Quand je suis arrivée dans cette maison, il y a maintenant plus de quinze ans, j'ai commencé, c'était l'été, par planter une vingtaine de poireaux à l'emplacement utilisé par les anciens propriétaires. Disparus corps et biens en quelques jours. Campagnols et limaces, ce fut la curée. De plus, la parcelle était caillouteuse et très pauvre, coincée entre quelques groseilliers faméliques qui faisaient vraiment pitié. J'ai fini par comprendre que c'était le bout d'un ancien jardin qui avait plutôt servi de dépotoir, non seulement à cailloux mais à débris de toutes sortes. Beaucoup de morceaux de verre, et quelques flacons entiers, dont certains assez anciens pour être dépourvus de pas de vis. Un très joli flacon de "Rojaflore" aussi, bouchon compris et une petite bouteille du genre de celles qu'utilisait ma grand mère pour faire son pastis maison. Et même une cartouche en verre de stylo plume. Plus des tubes d'aspirine alu écrasés, et autres reliques fleurant bon les années 50.

Impossible de me contenter de cette misère. Je jardinais depuis 1975 (depuis l'enfance devrais-je dire, mais avec une longue interruption) et c'était devenu vital pour moi. C'était vital tout simplement au début, je remplissais chaque été un congélateur de 200 litres, et ça allégeait singulièrement notre maigre budget de n'acheter aucun légume, ça nous permettait même de réduire notre consommation de viande, autant de gagné en plus. Quand ça avait cessé d'être une nécessité de survie, c'était devenu psychologiquement vital.

J'ai fait prolonger largement, dès l'automne, mon jardin vers l'est. Un paysan du coin s'en est chargé avec son tracteur. Petite difficulté, nous avions repéré un inquiétant et intense va-et-vient de guêpes au milieu de cette prairie. Impossible d'éventrer ce nid au tracteur, il fallait le détruire avant, et ce ne fut pas facile. Pas folle, la guêpe-mère avait décalé d'une cinquantaine de centimètres le nid par rapport à la galerie d'accès, nous nous acharnions sur le vide.

Même préparée au tracteur, puis affinée au motoculteur, c'était encore un fameux boulot, cette lourde terre de prairie, où subsistaient des mottes de trèfle ou de chiendent quasiment indestructibles. Rien à voir avec ce que c'est devenu aujourd'hui. Depuis que je suis à la retraite, j'ai décidé de préparer la terre manuellement. Il y en a qui achètent un vélo sans roues pour pédaler devant leur télé, moi j'avais une autre technique pour rester en forme, la grelinette, j'y reviens. Dans des conditions favorables, en terre meuble on plante l'outil, on fait levier avec les deux manches pour l'incliner en brisant la terre. Puis on secoue en soulevant légèrement le manche de droite puis celui de gauche pour finir de briser les mottes, on recule de dix centimètres, on replante, et ainsi de suite. Aucun effort sur les reins puisqu'on ne soulève ni ne retourne la motte.

En terrain lourd, pour défricher, c'est nettement plus dur. Il faut forcer davantage, se pencher en avant pour avoir plus de force dans les bras, arracher les racines, briser les mottes avec un autre outil. Je continue à étendre mon jardin vers le nord-est, et je me défriche chaque année quelques mètres carrés, confiant aux pommes de terre le soin de terminer le travail. Et à l'extrémité sud-ouest, en bordure du ruisseau, j'agrandis peu à peu un coin de prairie fleurie où il sera sympa de se reposer à l'ombre du tilleul que j'ai planté en l'honneur de mon petit fils. Pour le moment, il est vrai, l'ombre du tilleul... mais petit arbre deviendra grand, c'est ce pas?

Dans son commentaire, Minium me dit que je ne suis pas si en retard que ça, que chez elle on attend la fin des "saints de glace": saint Servais, saint Mamert et saint Pancrace, 11, 12 et 13 mai me dit-elle. C'est à peu près ce que je fais moi aussi, tout ce qui craint le gel doit rester à l'abri jusque vers la mi-mai, du moins dans ma région de climat alpin: une gelée surprise n'est jamais à exclure. J'avais, enfant, une autre référence, la "lune rousse", celle qui suit Pâques et qui donc variait chaque année. Mais c'est incroyable, la sympathique mention des lunes, le smiley de la pleine lune, celle toute noire, et les deux croissants, le premier et le dernier, tout cela a disparu de mon agenda actuel! honte à moi de n'avoir pas contrôlé ce détail. Quant aux saints, leurs prénoms démodés avaient cédé depuis longtemps la place à d'autres plus en vogue.

Mais Minium a raison. Mon gros effort de jardinage, c'est en mai. Seulement, il faut que la terre soit prête. Et là, j'avais du souci à me faire. Ce n'est plus le cas. J'ai mis les bouchées doubles, et les brouettes de plants que je vais rapporter vendredi du centre Terre Vivante je saurai où les installer. Ainsi que les trente pieds de tomates (tomates des Andes, tomates de Bérao, Noires de Crimée) qui attendent devant la vitre de ma salle à manger, et ont un peu, hélas, tendance à s'étioler.

Pour le paillage, impossible Minium: un élevage de limaces au pied de mes tomates, c'est pas vraiment ce qui convient chez moi. Heureusement, avec le ruisseau, j'ai de quoi arroser. Je remplis une vieille baignoire pour que l'eau ne soit pas trop glacée et j'arrose le soir, avec deux arrosoirs de 12 litres. Mais je retiens ton idée d'un paillage fait de ronces broyées. Parce que des ronces... c'est pas ce qui manque chez moi! Tu as quoi comme broyeur? Je laisse en effet les herbes arrachées sécher sur place quelques jours, puis je les mets en tas à part du compost car elle mettent beaucoup plus longtemps à se décomposer que les épluchures, et sont pleines de graines et de racines de chiendent et d'ortie. L'endroit d'où je les enlève a fonctionné comme piège à limaces, je les ramasse par dizaines, autant de Ferramol économisé, je ne l'utilise qu'en dernier ressort.

Merci à lui, pourtant, d'avoir sauvé ce qui restait de ma plantation de laitues, et d'avoir stoppé net l'attaque sur mes plants de choux fleurs.

lundi 4 mai 2009

Jardinière et voyageuse? Pas facile!

Je tente, à marche forcée, de rattraper le temps perdu. Pour ceux qui n'ont pas suivi, je suis rentrée de Hanoi le 31 janvier. Date parfaite, pour les travaux de bêchage, février est un très bon mois. Il y a généralement une fenêtre anti-cyclonqique d'une quinzaine de jours, qui permet à la terre de se ressuyer assez pour être travaillée sans nuisances. Travailler, même à la grelinette, une terre mouillée est parfaitement déconseillé, elle bétonne. J'ai la chance d'avoir une terre qui "ressuie" vite, pas trop lourde, sous sol caillouteux, et un immense mur de béton (eh oui, c'est pas moi m'sieur!) orienté sud est qui réverbère bien la chaleur.

La reprise en mains de mon jardin, chouchouté en notre absence par mon fils et sa compagne, s'annonçait bien. Sauf que...

En guise de fenêtre anti-cyclonique, il a neigé trois fois en quinze jours. Neige en février vaut du fumier dit-on. Les herbes sauvages qui s'en sont ensuite donné à coeur joie ne me contrediront pas. Quand la terre a été enfin prête à travailler, début mars, je me suis lancée avec enthousiasme dans le grelinage. Las, trop d'enthousiasme, pas beaucoup d'exercice préalable, mauvaise position, que sais-je, dès le premier soir j'étais pliée en deux et pas de rire. Coup de trafalgar, coup au moral, coup de vieux...

Nous repartions pour Hanoi début avril pour trois semaines. Normalement, le plus gros aurait dû être fait, patates et oignons plantés, semis de tomates en place sur le bord (intérieur) de la fenêtre, terre préparée pour le gros des plantations qui craignent le froid, tomates, concombres, potirons, courgettes, haricots. Là, j'avais réussi à planter quelques oignons et échalotes, ainsi qu'une quantité dérisoire de patates, à peine 20 plants (heureusement, celles qui font le plus plaisir, les Belles de Fontenay chères à mon grand père). Nous les mangerons les soirs de flemme (c'est à dire presque tous les soirs dès fin juin), cuites vapeur avec du fromage blanc, à la savoyarde.

J'ai enfermé dans le noir les oignons, ails et échalotes restant, en les priant très fort de ne pas germer en notre absence et placé au frais les patates que j'avais commencé à faire germer, cent cinquante tout de même, leur demandant de bien vouloir m'attendre gentiment. On peut acheter directement en jardinerie les patates pré-germées, bien rangées à la verticale dans de petites cagettes, mais on peut aussi acheter en sac et faire soi-même la mise en place verticale pour pré-germage. Cette année, j'avais trouvé un truc marrant: les plaques à oeufs sont parfaites pour cet usage. Et j'ai demandé à mes fils de bien vouloir passer arroser les tomates.

Je pensais bien retrouver un désastre, les oignons inutilisables avec de longues tiges blanchâtres, les germes emmêlés et rachitiques des patates, les tomates grillées par le soleil et la soif. Eh ben non, tout était parfait, à peine si les germes de mes pommes de terre commençaient, mauvais présage, à former de petites boules à la base indiquant leur impatience. Par contre, le jardin entier était devenu une magnifique prairie, avec des herbes folles de 60 centimètres ou plus. Sauf quand même les deux rangées de Belles de Fontenay, parfaites, et les quatre rangées d'oignons, très honorables. Les fèves, plantées très tôt, avaient fini par germer, les quelques plants de fraisier plantés la veille de mon départ fleurissaient, les salades, miracle, étaient absolument intactes, à croire que les limaces avaient perdu la raison et le goût de vivre.

Ma fille, venue passer une semaine de vacances, a fait ses débuts à la grelinette, ça avait l'air de lui plaire. Et moi, ça m'a redonné courage pour prendre la suite. Quinze jours sont passés depuis notre retour. J'ai fini, très vite de planter oignons, ails, échalotes. Pour les pommes de terre, j'ai planté hier, bien tardivement, les deux dernières rangées. J'ai désherbé les fraisiers, les iris, la ciboulette, le céleri perpétuel, repiqué salades, choux et choux-fleurs achetés au marché. Les limaces sont en pleine possession de leur capacité de nuisance, elles devaient juste être mal réveillées en mars: ma seconde plantation de laitues ne leur a pas échappé. Tout rentre dans l'ordre, donc. Il me reste à peine un quart de la surface de mon jardin à greliner, et la terre est beaucoup moins dure que je ne craignais. Quant au mal de dos... disparu. Je suis même allée donner un coup de main à mon fils dans son nouveau jardin, qu'il doit conquérir de haute lutte sur une prairie. C'est beau, d'être jeune!

Vendredi 8 mai, je vais à la traditionnelle foire de Terre Vivante pour acheter ce qui me manque encore comme plants. Les variétés nouvelles ou anciennes remises au goût du jour par la mouvance bio, variétés sélectionnées sur leur goût et non pas sur leur apparence, leur productivité ou pire leur capacité à résister aux longs voyages et aux stockages excessifs, ne sont souvent disponibles que là. Quoiqu'on commence à trouver sur les marchés des plants de courgette "Ronde de Nice", de "Tomates des Andes" ou de "Noire de Crimée", ainsi que, de plus en plus souvent, des plants de "Potimarron". Je vais aussi acheter des plants de "Bette à carde rouge", si belles dans le jardin, très résistantes aux parasites, et tout à fait indiquées pour la "tarte sucrée", recette ancienne mais que je répugnais à faire en vert, alors qu'en rose elle a belle allure et davantage de succès.

Normalement, je sème tout ça en godet, mais cette année, à part pour les tomates, je fais la paresseuse.

jeudi 30 avril 2009

"Un complexe ferrique naturel", le Ferramol

C'est ce qui est écrit sur la boite d'anti-limaces que je viens d'acheter. avec plein de mentions secondaires plus ou moins grosses. La moins visible -j'ai eu du mal à la trouver, on dirait que c'est pas un bon argument de vente- "Utilisable en Agriculture Biologique". En très visible, claquant comme le nom lui même, la marque, célèbre pour faire pousser en une nuit le gazon, avec des moyens qui n'ont sûrement rien à voir avec l'agriculture biologique. Mais faut bien se mettre au goût du jour, même en trainant les pieds.

Les limaces et moi, c'est une longue histoire. Je n'avais pas ça dans mon ancien jardin, ou alors de manière épisodique. La première année, ce fut la stupeur: rien mais vraiment rien de ce que je pouvais repiquer ne tenait plus de trois jours. Faut dire que mon jardin, je l'avais fait labourer dans une ancienne prairie, bordée par un petit ruisseau. Et que, dans les premières années, entre ma paresse naturelle et mon amour des fleurs sauvages, je manquais de rigueur dans l'entretien. Je manque toujours de rigueur, mais quand même j'ai fait d'énormes progrès, merci les limaces.

J'ai commencé, benoîtement, par les ramasser pour les éloigner. Comme dans le conte du lièvre et du hérisson, je les retrouvais presque instantanément à la même place. Mes enfants rigolent encore d'une idée qui leur avait beaucoup plu: je leur donnais vingt centimes, puis dix centimes (de francs) par limace ramassée. Eux étaient euphoriques, moi consternée. Autant vider la mer à la petite cuillère.

J'ai bien sûr essayé le métaldéhyde. Mon grand père utilisait ça, des plaquettes blanches, genre bonbon vichy, d'alcool solidifié pour les réchauds, qu'il écrasait avec du son. Plus besoin de faire cette dangereuse cuisine, ça se vendait désormais en granulés bleu fluo, et c'était considéré comme compatible avec le jardinage bio. Seulement, avec ce truc, les victimes bavent interminablement en se traînant partout et mes limaces à moi étaient tellement nombreuses qu'elles ravageaient, en crevant, les semis que je voulais protéger. Beurk!!! De toute façon, c'est désormais incompatible avec le bio, trop de dégâts chez les auxiliaires naturels, crapauds, hérissons et aussi chez les animaux domestiques, malgré l'amertume rajoutée destinée à les éloigner de ce poison.

Les trucs classiques, genre bière en soucoupe, où elles sont censées se noyer, mais il m'aurait fallu un service 44 pièces, cendre répandue qui ne marche que par temps sec, oui mais s'est par temps humide qu'elle sortent, les limaces, aucun de ces moyens sympathiques n'était à la hauteur du fléau.

Mon beau père, assez sarcastique pourtant en ce qui concerne le bio, m'avait fait découvrir en 1980 une revue "Les quatre saisons du jardinage" qui venait de se créer. J'en étais une abonnée de la première heure. C'est là que j'ai découvert un petit bouquin qui est devenu mon livre de chevet. Et, à l'heure où on lit normalement les pensées de Pascal ou les mémoires de Montaigne, je potassais "Les limaces sous contrôle" édité par "Terre Vivante". J'y ai appris des tas de choses dont je n'avais pas la moindre idée, sur les moeurs des limaces, leurs cycles de vie, leurs goûts alimentaires, leurs lieux de repos, leurs heures de sortie.

D'abord, je me suis aperçue que mon jardin, conçu comme il l'était, était un concentré de tout ce qu'il faut éviter. Le ruisseau, enfoui dans les herbes folles. Les énormes touffes d'hémérocalles qui en bordaient toute la partie haute. Le désherbage très aléatoire. La technique de paillage que je pratiquais sur le conseil de ma chère revue mais qui se révélait tout à fait contre-indiquée. La proximité immédiate de la prairie. En résumé, j'avais en guise de jardin une véritable station d'élevage de gastéropodes. On pouvait y trouver de l'humidité par les plus fortes chaleurs, des irrégularités de terrain pour pondre et cacher ses oeufs, une base arrière en quelque sorte de toute beauté. Dont de véritables commandos sortaient en rangs serrés le matin, le soir, et chaque fois qu'il pleuvait un peu.

Au fil des années, j'ai tenté de remédier à tout ça: le ruisseau, rien à faire. Sauf le séparer du reste par une bande herbée régulièrement (?) tondue. Dans le bas du jardin, à la frontière de la prairie, bande herbée tondue également. J'ai diminué le nombre des touffes d'hémérocalles, mais je refuse de me séparer des jonquilles. Or, c'est dans leurs feuilles, après une lumineuse et abondante floraison que s'engraissent les petits limaçons destinés à devenir d'énormes limaces rouges. Que faire? Je les ramasse à la main par temps pluvieux. Quinze ou vingt par touffe de jonquille...

J'ai ainsi, plus ou moins, assuré les frontières. A l'intérieur de ces limites, je mène une lutte absolue: aucune limace ne doit y vivre, aucune ne doit y PONDRE. Les oeufs de limaces sont très mignons, de petites perles nacrées de quelques millimètres de diamètre, et les coquines savent les enfouir dans la moindre fissure pour les protéger durant l'hiver. Pas de fissure: ratisser, à l'automne, chaque plate-bande récoltée. Une habitude à prendre, comme celle de toujours travailler en remontant la terre à cause de la pente qui entraîne imperceptiblement tout mon jardin vers le bas. Mettre en bordure les cultures que les limaces aiment moins (pomme de terre, poireaux, oignons) et isoler au milieu d'un petit no-limace's-land les cultures sensibles (semis, salades et choux fraîchement repiqués).

Ce qui ne me dispense pas de visites matinales quotidiennes. Juste avant le lever du soleil, bien repues, elles retournent vers leurs abris: à moi de les intercepter. Parfois, cyniquement, je les leurre: un pti tas d'herbes coupées ou d'épluchures où elles iront se nicher sans méfiance et où je les débusquerai facilement. Les plants de bourrache ou de cardère que j'ai laissés ça et là remplissent le même rôle, je sais les y trouver blotties contre la racine. Parfois, je repère une feuille fraîchement dévorée: la coupable n'est pas loin. Je soulève une ou deux pierres, une motte de terre, la voilà tapie dessous.

Des années de lutte intégrée m'ont tout au plus permis de... ne pas désespérer complètement. Quelque jours d'absence ou de paresse, mes ennemies reprennent le dessus. Un îlot de verdure laissé en déco, les voilà qui s'y installent durablement. Des framboisiers mal désherbés? une aubaine. Bon, je sais maintenant que je ne gagnerai jamais. J'en ai pris mon parti. On doit, nous autres humains, partager la terre avec toutes les autres espèces. Pourquoi pas avec les limaces?

Quand même, j'espère que le Ferramol me permettra de garder quelques salades?

samedi 7 mars 2009

Elevez des pucerons

Curieux conseil de jardinage, les pucerons sont un des ennemis les plus féroces du jardinier (et de la jardinière). Pourtant, une des premières choses que je fais dans mon jardin au printemps, c'est de préparer un magnifique élevage de pucerons. Va comprendre!

La semaine dernière, j'ai semé des fèves. C'était la dernière semaine des vacances scolaires parisiennes, et je voulais le faire avec mon petit fils. Pour un jeune enfant, c'est parfait. Les graines de fève sont très grosses, faciles à manipuler pour de petites mains. Sur une bande de terre passée à la grelinette, j'ai creusé un sillon assez profond. Mettre les graines au fond d'un sillon permet de gagner quelques centimètres au moment du buttage, car il faut butter les fèves, c'est à dire former une petite butte à leur pied quand elles sont hautes d'une vingtaine de centimètres pour les empêcher de se coucher. Si elles sont grimpantes, il faudra aussi les ramer, mais j'ai choisi des fèves naines. J'ai donné à mon petit rossignol les conseils de base: prendre la fève entre le pouce et l'index, l'enfoncer légèrement au fond du sillon, environ deux fois et demi sa taille, placer la graine suivante à une dizaine de centimètres de la première. J'avais muni le jardinier en herbe, pour qui dix centimètres ne veulent pas dire grand chose, d'une petite brindille de la bonne longueur pour mesurer l'espacement. Terminer en tassant le fond du sillon avec le dos d'un râteau, pour que la terre enveloppe bien la graine.

Dans le jardin du petit jeune homme, nous avions également préparé un petit carré de terre pour y planter quelques fèves, selon la même méthode. Il avait tristement constaté que, de ses haricots de l'an dernier, ne restaient que des brindilles desséchées. "Ils sont morts? Pourquoi?" Il a fallu lui expliquer la différence entre plantes annuelles (je grandis, je fleuris, je fructifie et je meurs) et plante vivace (je me garde une racine à l'abri de la terre et je refais surface au printemps). Mais la ciboulette plantée l'an dernier n'était pas encore assez visible pour illustrer la seconde partie de la leçon.

Et les pucerons, me direz-vous? J'y viens. La fève est particulièrement attractive pour eux. Dès ses premiers bourgeons, elle se couvre d'une couche épaisse de pucerons noirs, bien charbonneux... et bien dodus. Quelques coccinelles ont résisté à l'hiver, votre jardin ne doit pas être trop bien nettoyé si vous voulez augmenter leurs chances de trouver un abri. C'est pour elles une aubaine merveilleuse, au moment où la nourriture est très rare, que ces tiges couvertes de succulentes volailles. Eh oui, ça vole les pucerons, paraît que ça vole même très haut, ça se laisse porter par les courants d'air, et quand ça repère, de là-haut, une jolie rangée de fèves toute neuves, ça se laisse tomber, et ça prolifère très vite. Devant une telle abondance de nourriture, non seulement les coccinelles s'empiffrent, mais elles pondent à qui mieux mieux, sachant assuré l'avenir de leur progéniture. En quelques générations, voilà que votre élevage de pucerons est devenu un élevage de coccinelles. Et des coccinelles locales, pas de ces américaines qui causent aujourd'hui quelques désordres pour avoir été importées et répandues sans précautions dans nos jardins. Toute la saison, vous retrouverez ces courageuses bestioles et leurs larves, encore plus voraces qu'elles, partout où les appellera leur gourmandise, protégeant vos autres plantations.

Quant aux fèves, hein, faut choisir. Si on préserve les pucerons, la récolte sera maigre. Tant pis. Les quelques rescapées, je les épluche grain à grain, j'en remplis un petit bol. Une cuillerée d'huile d'olive, une pincée de sel, c'est un régal à l'apéritif.

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