Cochonnerie
Par cultive ton jardin le jeudi 8 septembre 2011, 11:59 - Poisons - Lien permanent
J'avais 20 ans et le souvenir que j'ai de cette cochonnerie, pardon de cette porcherie, est bien vague. Une copine, qui ne voulait pas y aller seule, m'avait embarquée pour la Normandie. Un stage "Connaissance de le France". Franco allemand, c'était novateur en 1964. Je ne connaissais quasiment rien à rien, à peine quelques questions sur la torture en Algérie parce que des bouquins peu accessibles m'étaient pourtant tombés sous les yeux, peut-être aussi parce qu'une copine, une autre, m'avait dès 1958 parlé de son frère, revenu de là-bas irritable, solitaire, triste et hors d'atteinte. Mais c'est une autre histoire. Pour ce qui est de l'Allemagne, j'étais, bien sûr, pour la réconciliation, même si ma mère prétendait entendre encore le bruit de "leurs" bottes.
Nous étions en Normandie, à Caen, une vingtaine de jeunes français et françaises, une vingtaine de jeunes allemands et allemandes qui découvraient avec ravissement des plateaux de fromage dont ils ne savaient même pas que ça pouvait exister. Qui découvraient aussi les plages du débarquement, les musées patriotards, les immenses cimetières, et les micro-trottoirs où ils se faisaient parfois traiter de "sales boches". Ce n'étaient pas n'importe quels allemands, pour avoir choisi la France et qui plus est la Normandie, mais quand même, "sales boches".... pas facile à avaler, quand on est né "après", qu'on est plein de bonne volonté réconciliatrice et de culpabilité désolée mais impuissante.
On ne faisait pas que dans la nostalgie pacifiste, on s'intéressait aussi au développement économique de la région. A son développement agricole. On était alors en plein enthousiasme paysan, fini les péquenots aux sabots crottés, l'agro-industrie sortait de terre. Au sens propre, puisque c'est un élevage de cochons hors sol que nous avons visité ce jour là. Je me souviens que pour y entrer, nous avons dû nous déguiser en assistants de bloc opératoire. Sur-chaussures, blouses, chapeaux. Peut être pas masques, mais l'idée y était. Cet élevage, pour protéger les animaux des maladies, était conçu parfaitement isolé du monde extérieur. Confiné de chez confiné.
Je ne connaissais rien à rien, mais j'avais été assez éberluée d'apprendre que, toujours pour protéger les porcelets de ces fameux microbes, les truies n'accouchaient pas: elles étaient césarisées!!! Dites-moi que j'ai rêvé tout ça, je me demanderai si vous n'avez pas raison. En contrepartie, nous expliquait le guide mi-figue mi-raisin mais pas apostat pour autant, une hygiène rigoureuse était indispensable, un seul microbe un peu dégourdi qui rentre et c'est l'hécatombe. D'où les sur-chaussures, blouses et calots.
Je crois me souvenir que c'était expérimental. Je suppose, sans certitude, que les césariennes sur truies n'ont pas tenu le coup longtemps. Mais l'idée était là, qui n'a cessé de s'améliorer. En pleine psychose de la grippe aviaire, quand on nous bassinait sans arrêt avec l'indispensable confinement de nos basses cours minuscules, quand un oiseau sauvage était pire qu'un avion menaçant le WTC, un élevage entièrement confiné de 20000 volailles a été attaqué par un de ces foutus microbes. Elles ont commencé à mourir comme des mouches sous un nuage de Fly Tox. Il a fallu abattre, bien sûr les survivantes, ou plus exactement celles qui tardaient à mourir. Nettoyé en quelques jours, un élevages de bêtes qui n'avaient JAMAIS connu la lumière naturelle.
Joyeux noël: c'étaient des dindes.
Commentaires
Les truies ne mettent pas bas par césarienne couramment dans un élevage hors-sol, mais je connais une "entreprise" en Loire-Atlantique qui fait de la génétique porcine, où les truies sont systematiquement mises-bas par césarienne, pour éviter toute contamination des petits par la mère. L'air dans l'usine (ou le laboratoire parce que c'est une sorte de laboratoire de génétique) est filtré et ne coule que dans un sens, comme dans un bloc opératoire.
http://www.nucleus-sa.com/
Assez fascinant, ce site hyper-clean. L'inquiétante pureté.
Je croyais savoir, au contraire, que l'enfant (mais est-ce valable pour le porcelet?) se faisait en passant par les voies génitales toute une flore non pathogène, interne et externe, et que cela le protégeait ensuite contre des germes plus offensifs. Dans la mesure, bien sûr, où la mère n'était pas elle-même porteuse de ces germes dangereux.
Mais la sélection des porcelets ne se fait sans doute pas sur leur résistance aux maladies: pour ça, ya l'alimentation frauduleusement complétée d'antibiotiques. Si j'avais mauvais esprit, je dirais même que plus ils sont fragiles, plus l'éleveur sera dépendant des vendeurs de... cochonneries.
Nicololino en parle à la fin de Bidoche de cette boîte dont le siège est à côté de Rennes et le labo en Loire-Atlantique. J'aimerais bien y rentrer mais ça sera difficile, ils vont m'invoquer la "pureté" génétique pour m'en empêcher, me menacer d'une douche à l'entrée et à la sortie pour des raisons sanitaires, confirmant ainsi ton paragraphe sur la fragilité de ces animaux totalement privés de protection immunitaire et de la compagnie et de l'affection de leur mère, purs animaux machines, rêves fous de professeurs Mengele. En plus, seule avec ces gens dans leur usine, j'aurais peur !
Ce doit être pourtant une bien intéressante visite...
J'ai retrouvé le passage sur Nucleus dans "Bidoche" de Nicolino (pp 324 à 327). Curieusement, je l'avais bel et bien lu... et oublié et je pensais de bonne foi peu probable qu'on pratique encore ainsi.