Violence physique et normes linguistiques

Je suis en train de lire dans la "Revue des livres" de novembre décembre 2011 un article intitulé "Pour une politique de la traduction". Et je tombe, dans un entretien avec Emily Apter, professeure de littérature comparée à la New York University, sur ce paragraphe qui résonne très fort avec les récents incidents liés à l'accent d'Eva Joly, et qui me donne la clé de l'émotion quasi physique qui m'avait envahie alors:

"Pendant l'année que j'ai passée en Angleterre, l'école m'a en effet forcée à prendre des cours de diction pour m'apprendre à "parler correctement" selon les standards britanniques. Le sentiment de honte que l'on éprouve à devoir se défaire d'un "mauvais accent" - si bien exprimé par Derrida dans Le Monolinguisme de l'autre ou par Theresa Hak Kyung Cha dans Dictee - m'a fait prendre conscience de la violence proprement physique dont s'accompagne l'imposition de normes linguistiques. Cette expérience m'a fait comprendre de manière très concrète ce que signifie le fait de légitimer ou de délégitimer certaines manières de parler"

Bon, rassurez-vous, j'ai pas tout compris dans le reste de l'article, mais j'aime bien lire des trucs que je comprends pas bien. Si je comprends tout, ça veut dire que j'apprends rien.

Commentaires

1. Le lundi 2 janvier 2012, 12:45 par Athalouk

Ah le "parler correctement". Voir comment en France (enfin, à Paris) on a ridiculisé tous les accents provinciaux, colorés, musicaux, pour imposer un ton unique et plat (et même pas "parisien", vu que le parigot est bien savoureux avec son côté caaanaille !)

2. Le lundi 2 janvier 2012, 13:01 par cultive ton jardin

Hélas, en province on faisait pire que de ridiculiser: à l'école de ma grand mère, yavait un système de mistigri à la récré: si tu te laissais aller à parler "patois", un copain qui l'avait sournoisement dans sa poche pouvait te le refiler. Libre à toi de trouver une autre victime avant la fin de la récré. Celui qui n'y parvenait pas écopait d'une punition.

La délation, en plus du "linguistiquement correct'

3. Le samedi 7 janvier 2012, 10:32 par IzaBzh

En Bretagne, il était défendu de parler breton et de cracher par terre... J'ai rencontré encore récemment une femme âgée qui avait l'air traumatisée à l'idée de parler breton, dans ma famille aussi c'était mal vu. Et même si j'habite un village bourguignon maintenant, même sur les marchés de campagne, il faut vraiment tendre l'oreille pour dénicher, parfois, un accent ou un reste de patois.
Je découvre ce blog aujourd'hui, je crois que je reviendrai le visiter souvent ;)

4. Le jeudi 9 février 2012, 17:54 par courroux

Bonjour, A propos et de violences et de difficultés et de mots absents et non traduits, j'espère que vous en trouverez quelques uns dans mon blog à critiquer, même violemment... http://susaufeminicides.blogspot.co...