Éclaircissements

J'ai l'occasion de feuilleter parfois la revue Prescrire, rendue momentanément célèbre par le scandale du Médiator. Momentanément, paske bon, on a pas que ça à faire, ya des mariages princiers, des béatifications, des assassinats politiques qui méritent notre attention bien davantage que quelques pékins (pékines?) pas bien malins qui ont essayé de maigrir sans se préoccuper de leur régime alimentaire, dont certains sont morts, d'autres gravement malades à vie, et le plus grand nombre (de quoi ils se plaignent ceux-là?) "simplement" angoissés à l'idée que ça va peut-être leur tomber dessus, mais peut-être pas, et dans ce cas, de quoi ils se plaignent, hein? (bis). C'était sur ordonnance, vous dites? Ordonnance de médecins diplômés, inscrits au Conseil de l'Ordre, soucieux de s'informer régulièrement et de se former tout aussi régulièrement, grâce à la grande générosité des laboratoires, ayant fait le serment d'Hippocrate? Vendu en pharmacie, avec des pharmaciens tout aussi diplômés (mais je sais pas si ya un serment d'Hippocrate pharmaceutique)?

C'est ennuyeux, tout ça, parce que ça risque de saboter la nécessaire confiance que les malades doivent avoir en ceux qui les soignent, médecins, pharmaciens et labos, et en ceux qui les protègent (mal) d'éventuels margoulins, agences de ceci ou de cela.

Et voilà que Prescrire, non seulement ne se repent pas d'avoir altéré cette indispensable confiance, mais remet le paquet sur un autre terrain (de quoi je me mêle, c'est pas des médocs!) celui des cosmétiques éclaircissants. Apprenez, si vous l'ignoriez encore, qu'il y a d'autres moyens que les quotas pour "éclaircir" une équipe de foot un peu trop colorée: des crèmes, qu'on se tartine sur le visage et le corps. Descendez du métro à Barbès (et je suppose dans d'autres stations particulièrement ciblées on se demande pourquoi) vous verrez s'étaler sur les murs de l'escalier de sortie toutes sortes de pubs concernant ces dispensables substances.

Prescrire leur consacre un dossier de sept pages dont rien que les titres vous donnent la chair de poule: "Beaucoup d'effets indésirables graves" "Atrophies cutanées" "Effets systémiques des corticoïdes" "Intoxication mercurielle". Pas chiens, ils terminent par "etc...". Pour moi, etc... c'est broutilles et compagnie. En réalité, lisant l'article, je constate que certains des effets non mentionnés sont moins fréquents, mais plus graves, genre "Quelques observations de carcinomes cutanés" ou "syndromes néphrotiques". Bon, ben... c'est le moment de remercier dieu de m'avoir fait naître blanche, à défaut (le salaud), de ne pas m'avoir fait naître homme. Le gag, c'est que nombre des effets plus superficiels... sont particulièrement inesthétiques, vergetures, pigmentation inhomogène, acné, nodules... bref la plaisanterie renouvelée de l'aspartame qui fait grossir ou des produits de beauté qui accélèrent le vieillissement de la peau.

Le dernier titre est celui qui tue: "Mettre en garde les utilisatrices en âge de procréer". Ah bon? Pourquoi? L'article commence par "Les femmes utilisant des cosmétiques éclaircissants sont souvent jeunes et en âge de procréer". Évidemment, comme le note élégamment un commentateur masculin (Olivier, 7h38) à propos d'une autre pratique "cosmétique", quand on est vieille, moche et qu'on a du poil aux pattes, on se soucie comme d'une guigne de s'améliorer le faciès ou autre chose en se tartinant au mercure, aux phtalates ou aux parabènes. On se résigne, et basta. Bref, l'article continue: "Les substances qu'ils contiennent sont nombreuses, de nature souvent inconnue, et sont susceptibles de traverser la peau et le placenta". Avec, comme conséquences, des malformations parfois graves pour un éventuel enfant.

Bon, là, je sens que vous avez votre dose. Je voulais poursuivre sur les "perturbateurs endocriniens", mais bah, j'ai pitié. C'est le printemps, les scarabées dorés volent bas et lourd, les papillons se multiplient, un oiseau a fait son nid sous mon toit, mes pommes de terre font vingt centimètres, mes carottes dix, les coquelicots sont en fleurs (j'allais écrire en pleurs, comme quoi mon optimisme est un peu surfait). Je vais repiquer la moitié de mes plants de tomates, gardant l'autre moitié en réserve au cas où saints de glace et lune rousse seraient en embuscade derrière ce printemps particulièrement précoce et peu arrosé.

Mon jardin m'appelle, j'y retourne.

Commentaires

1. Le vendredi 6 mai 2011, 02:23 par La ratapinhata

C'est peut-être un bon article, qui éveillera les consciences... parce que cette histoire d'éclaircissement de la peau, pratiqué par les africaines est assez dramatique. Pendant quelques années, j'ai travaillé avec un Africain qui m'avait expliqué que les femmes noires étaient prêtes à beaucoup de bêtises pour se décolorer la peau..A l'époque je lui avais répondu que ça me paraissait de même nature que notre course au bronzage... mais par la suite j'ai appris qu'il y avait une véritable contrebande de produits non identifiés, dans presque toutes les petites boutiques, épiceries africaines ou même asiatiques... Alors , il n'est peut-être pas impossible qu' une bonne information puisse limiter les risques... Après tout, personne aujourd'hui, ne se tartine plus de graisse à traire pour bronzer, et si un joli hâle est toujours apprécié, il s'obtient progressivement sous la protection d'un écran total... On peut espérer une évolution semblable chez les filles qui veulent éclaircir, si on s'intéresse à leur aspiration.

2. Le vendredi 6 mai 2011, 02:28 par La ratapinhata

Ceci dit, phtalates et parabenes sont bien sûr à interdire... mais c'est toute une éducation de la population, et un combat contre l'industrie pharmaceutique et para-pharmaceutique qui ne fait que commencer.

3. Le mardi 17 mai 2011, 06:41 par Valérie de Haute Savoie

Je lis depuis des années des articles mettant en garde les femmes désirant éclaircir leur peau. Mais il semble que cela reste confidentiel, que peu de journaux relaient ces informations là.