Je n'ai pas le courage, trop de tristesse, de rédiger moi même un texte, je reprends, à quelques mots près, un mail reçu ce matin. Plus ça change, et plus c'est pareil. C'est même pire pour ceux qui avaient, malgré tout, une vague espérance.
Ce matin lundi 17 décembre 2012, à 6h10, la police a encerclé le hangar, situé face à ***, non loin de la ***. (hangar occupé en majorité par des roms roumains venus se réfugier là après l'expulsion du camp de ***, juillet 2012). Des cars de police un peu partout, derrière, devant, sur les deux côtés du hangar et un rideau d’hommes qui arborent des protections multiples, aux jambes, aux bras, sur la tête. La police a pénétré à l'intérieur vers 7h et, sous une pluie fine et le froid, a fait sortir les habitants. Avec la centaine de policiers et de gendarmes, est également présente une dizaine de policiers municipaux.
Diantre ! aurions-nous affaire à de dangereux malfaiteurs, à des envahisseurs de énième génération ?
Et derrière tout ce petit monde circulent le directeur des services de la préfecture, des personnes du CCAS, de Roms-actions et même la *** (société de surveillance). Face à eux des militants, des sympathisants et quelques passants pour la plupart scandalisés. Dans le hangar, les adultes s'organisent, empaquettent, ficellent ; les enfants, nombreux et hauts comme 3 pommes, franchissent les jambes bien plastifiées de la police pour venir nous voir, parfois nous sourire et se réfugier dans nos bras, parfois juste nous regarder aussi, ne comprenant pas, pas plus que nous ; les plus grands ont le visage fermé et d'une grande tristesse.
Dans la cour du hangar un chapiteau est dressé et les familles, selon un scénario bien rôdé, passent devant les représentants des différentes institutions : papiers, contrôles.... Puis un passage s'ouvre et un couple arrive, puis une famille, une autre …. Certaines personnes nous ont confié des sacs, un vélo. A ce moment là, et seulement à ce moment là, nous avons pu échanger quelques mots ; ne sachant pas ce qui les attendait, ni où elles allaient être orientées, hébergées (où ?, comment ?, quelle structure ?) leurs visages sont remplis d'inquiétude. Des personnes du CCAS nous répètent que les enfants vont aller à l’école, des militantes s'en étonnent : comment partir à l’école ?
La pluie s’interrompt, recommence, les familles passent devant nous, on leur attrape la main, on échange des sourires, ils disparaissent dans des véhicules. Quelques scènes décalées arrêtent le regard : un père roumain, de notre côté, qui demande à son fils, de l'autre côté des policiers, d’aller chercher 2 pneus et il part plus loin avec ses roues ; un enfant, agrippé à une veste en fourrure, totalement silencieux, nous regarde, presque immobile dans l’agitation générale, on le photographie ; une petite fille passe entre les jambes sombres d'un policier et une personne commente : « elle est plus petite que les cuirasses » (de ces mêmes jambes).
On ne peut traverser la rangée bien alignée des policiers, des journalistes sont passés (3) et l’une d’entre eux a pris des photos, des enfants surtout, ce que l’un des membres de notre association a fait aussi mais lui s’est tout de suite reçu une volée de commentaires par l’un des flics qui voulait l'empêcher de prendre les photos, « c’est interdit », « pas du tout, on est encore en démocratie, j'ai le droit », « Je vais voir mon chef et on verra bien »… Il n’est jamais revenu,il tentait juste d’impressionner pour empêcher les traces de leur présence et de leur activité matinales de circuler. Les familles sont embarquées dans des mini-cars, avec un minimum d'affaires, et conduites au C.A.I. (centre d'Accueil Intercommunal) ; après un contrôle social (composition de la famille...) elles seront conduites vers un des 2 sites prévus et équipés d'Algeco et l'aire de stationnement aménagée et prévue pour les Gens du Voyage, derrière ***.
Un couple s'est vu notifier une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) de 30 jours, et une personne a été conduite au CRA (Centre de Rétention Administrative) de ***. [ Commentaire d’un des policiers quand la personne reçoit une OQTF : « Allez, bonnes vacances » !
Une fois le hangar vidé de ses occupants ce sont les employés de la voirie et les engins de travaux publics qui sont entrés en action ; drôle de ballet ; présence aussi des camions-plateaux qui emmènent les caravanes. Tristesse.
Il y aura eu 37 roumains (enfants, les 2/3, et adultes) et une dizaine de hongrois d'expulsés ce matin, sous un ciel blafard.
Que peuvent espérer ces familles qui disent : on voudrait travailler, on voudrait que nos enfants aillent à l'école, on voudrait une maison... Elles ont, en tous cas, tout à redouter de l'avenir dans ces hébergements, au milieu de nulle part, et que les responsables eux-mêmes qualifient de provisoires.